Félix Ziem, l’éternel rêveur… Ses voyages dans les pays méditerranéens, de l’Italie à l’Égypte, en passant par l’Empire ottoman, lui ont permis de satisfaire ce besoin d’ailleurs et de nourrir aussi son inspiration. L’une de ses destinations favorites est sans nul doute Venise, qu’il découvre en 1842. C’est un véritable coup de foudre, une «révélation» selon ses propres mots, à tel point que l’artiste y retournera régulièrement les années suivantes, afin de peindre chacun des lieux de la Sérénissime, de la place Saint-Marc à la pointe de la Douane. C’est le palais des Doges qu’il a choisi pour ce tableau, provenant de l’ancienne collection Jacquet. Ziem fera de Venise sa seconde patrie. Il y installera même un atelier en 1847, sur un topo, un bateau à fond plat, puis dans un traghetto. Cela lui permet d’y revenir jusqu’à deux fois par an, jusqu’en 1892, et de peindre dans les meilleures conditions. Il travaille sur le motif, remplissant des carnets de croquis et réalisant des pochades sur bois ou sur carton, avant de finaliser la toile en atelier. Techniquement, il utilisait des supports et des matières très variés, avec une prédilection pour les panneaux d’acajou, le jeu de glacis ou encore la peinture au couteau afin de donner plus de vie à ses œuvres, préparant lui-même les couleurs avec des pigments naturels. Côtoyant les plus grands paysagistes de son temps – que ce soit à Barbizon ou au Havre avec Eugène Boudin –, Félix Ziem a insufflé un style nouveau à la peinture orientaliste. À la manière d’un Jongkind, il annonce l’impressionnisme par son expressivité, son attention aux variations atmosphériques et à la lumière, tandis que le rendu, par des touches légères, évoque la manière d’un Turner. Bien que resté extérieur à tout mouvement, cet homme solitaire et excentrique a connu un succès exceptionnel, et la reconnaissance d’artistes tels que Van Gogh, les frères Goncourt ou Théophile Gaultier, qui lui rendirent visite dans son atelier.