La tradition veut que la fondation de Venise remonte précisément au 25 mars 421. Cette exposition entend donc commémorer les 1600 ans de la ville et en célébrer les multiples transformations. Les peintures, sculptures, textiles, bijoux et documents réunis à cette occasion sont plutôt dignes d’intérêt, mais la vision sommaire du sujet en question finit par les déposséder de leur légitimité. Les étapes définies, entre la cité «élue», celle des marchands et de la mer, les splendeurs urbaines, les calamités de la peste et enfin la ville des festivals, réitèrent le discours des guides pour touristes. Par ailleurs, le canevas confond légendes, mythes et passé : cette date de naissance par exemple, assurément symbolique mais néanmoins arbitraire et fictive, n’est pas confrontée à des faits plus conformes aux archives. L’enrichissement extraordinaire de Venise, sa puissance marchande, financière et militaire, sont décrits sur un mode linéaire et hagiographique. En fin de parcours, sa présentation comme capitale mondiale de la culture appelle sans doute quelque nuance de taille. Vient alors à l’esprit un raccourci : pourquoi près de vingt siècles d’histoire d’une ville extraordinaire, unique au monde, subissent-ils un tel traitement sommaire ? Et un autre, sur l’amalgame entre programmation muséale et promotion touristique, sur la soumission grandissante des organisations culturelles aux logiques de marketing. Dans un temps critique, les coulisses problématiques des expositions occupent le devant de la scène avec une étrange insistance.