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Vathek, un calife débauché

Publié le , par Bertrand Galimard Flavigny

Les fantômes ne sont pas toujours gothiques. Sous la plume de William Beckford, ils relèvent davantage du conte philosophique.

27 320 € frais compris. Édition originale de 1786, relié récemment en demi-maroquin... Vathek, un calife débauché
27 320 € frais compris. Édition originale de 1786, relié récemment en demi-maroquin rouge à coins, Paris Drouot, 8 novembre 2016.
Pierre Bergé & Associés OVV/Sotheby’s. Bibliothèque Pierre Bergé. MM. Clavreuil, Forgeot, Scognamillo.

Les fantômes et les ruines, sans oublier les héroïnes dont la vertu est menacée par la lubricité, ne font pas systématiquement un roman gothique ou terrifiant. Vathek, le roman de William Beckford (1760-1844), semble pourtant posséder les ingrédients de ce genre, commencé avec Le Château d’Otrante d’Horace Walpole (1717-1797), paru à Londres en 1765. Dans ce Vathek, il est question d’un calife débauché, ayant entretenu un pacte avec le diable, suivi de son inexorable descente aux enfers. On y croise des démons, goules, palais souterrains hantés et autres raretés horribles. On le classerait davantage parmi les contes philosophiques, dans la veine de Voltaire et de Sade. Un exemplaire de l’édition originale de ce roman «stupéfiant, tour à tour sensuel, fantastique, burlesque, d’une ironie noire» (Lausanne, Isaac Hignou & Comp. 1787 [en réalité 1786], in-8o) a été adjugé 27 320 €, à Drouot le 8 novembre 2016, lors de la dispersion de la deuxième partie de la bibliothèque de Pierre Bergé, par l’OVV Pierre Bergé & Associés, en association avec Sotheby’s, assistés par Stéphane Clavreuil et Benoît Forgeot, eux-mêmes assistés par Michel Scognamillo.
Un roman sulfureux
Cet exemplaire, de première émission, relié récemment en demi-maroquin rouge à coins, dos lisse orné, pièce de titre de maroquin vert, non rogné, a été tiré à 500 aux frais de l’auteur. Ce dernier a rédigé son texte directement en français. Jugé toxique, le livre ne se vendit pas en Suisse et la douane française fit arrêter les trois cents exemplaires destinés au marché parisien. Quant aux invendus, ils devaient circuler quatre ans plus tard, sous un titre différent. Une seconde émission fut intitulée Les Caprices et les Malheurs du calife Wathek, trad. de l’arabe (de l’anglais) par Beaufort (Londres, 1791, in-12), ou (Paris, Poincot, 1786, in-18). On cite encore une édition parue sous le titre Histoire du calife Vathek (Paris, Boucher, 1819, 2 volumes, in-12). Si Byron considérait cet ouvrage comme sa «bible», Mallarmé lui donna un second souffle en le préfaçant : «Le Vathek», réimprimé sur l’édition française originale (Paris, Labitte, 1876, in-8o), tiré à 220 exemplaires sur hollande. Jorge Luis Borges a vanté la «vertigineuse description du gouffre méphitique», en le considérant comme «le premier enfer réellement atroce de la littérature». Il est vrai que William Beckford a davantage alimenté la chronique scandaleuse que mondaine. Son père, lord, maire de Londres, le laissa orphelin à l’âge de 10 ans et à la tête d’une fortune colossale, issue des plantations de sucre à la Jamaïque. Il épousa en 1783 lady Margaret Gordon, la fille de Charles Gordon, quatrième comte d’Aboyne et Margaret Stewart, dont il eut deux filles, dont Susan Euphemia (1786-1859) qui devait épouser Alexandre, le dixième duc Hamilton. Lady Margaret mourut en couches en 1786, laissant son mari libre de ses frasques. Beckford, bisexuel, fut mis au ban de la société britannique ; il se réfugia en Suisse, près de Vevey, pour tenter de se faire oublier. Il s’acheta une conduite et put retrouver son siège au Parlement, de 1806 à 1820. Il donna une suite à son roman : Les Trois Épisodes de Vathek, qui ne furent découverts qu’en 1909. 

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