Les dragons célestes chers aux empereurs de Chine virevoltent sur ce vase au profil original, une pièce exceptionnelle réalisée pour Jiaqing et passée par une collection prestigieuse.
La scénographie est bien connue mais toujours aussi spectaculaire : autour d’un grand dragon représenté de face, et cherchant à se saisir de la perle sacrée, en volent huit autres parmi des nuages et des flammes, alors que des vagues déferlent en rangs serrés autour de la base du vase. Naturellement, les cinq griffes que possède à chaque patte le dragon central trahissent l’origine impériale de l’objet, ce que vient confirmer au revers la marque à six caractères de Jiaqing… Sous ce souverain ayant régné de 1796 à 1820, l’art de la porcelaine connaît de nouvelles évolutions, affinant encore les recherches de la période précédente – celle de Qianlong – sur les émaux de la famille rose en particulier. Cependant, les décors bleu et blanc plus classiques, tel celui ornant ce vase double gourde, triomphent toujours, grâce à une qualité technique portée au plus haut par les ateliers de Jingdezhen, usant d’un pigment de cobalt très intense — car mieux raffiné. Quant à la thématique des dragons à la poursuite de la perle sacrée, elle rencontre un nouvel engouement au temps de Jiaqing, comme l’attestent quelques pièces contemporaines similaires bien répertoriées – notamment une paire et un autre vase, globulaire, tous exposés au National Palace Museum de Taipei… Exceptionnelle, la double gourde a également pour elle de provenir de l’une des plus prestigieuses collections de céramiques chinoises de la fin du XIXe siècle, ses premiers propriétaires européens étant Gustav Detring (1842-1913) puis son gendre Constantin von Hanneken (1854-1925). Ces deux Allemands ont vécu et travaillé de 1878 au milieu des années 1900 à Tianjin – cité située au sud-est de Pékin – en tant que conseillers commerciaux et militaires du vice-roi Li Hongzhang. Mais leur passion commune a été de constituer là de fantastiques collections d’objets d’art, sélectionnant rigoureusement les plus belles pièces, de préférence impériale… Un penchant qu’ont facilité leurs excellents rapports avec la cour des Qing et son impératrice douairière Cixi, laquelle devait récompenser Detring par le haut grade de dingdaihauling. La villa de ce dernier à Tianjin était ornée de dizaines de précieux artefacts, dont de nombreuses photographies gardent le souvenir. Sur un cliché du salon, on peut même apercevoir notre double gourde aux dragons trônant sur une étagère. Après la mort du conseiller, ce vase voyageur a gagné l’Allemagne dans les bagages de sa famille.