Une mouche fort réaliste est bien visible sur la peau d’une poire ; un papillon est posé sur une pomme vermillon. La coupe de fruits occupe le centre de scène : peut-être cette dernière a-t-elle été coupée volontairement… La présence des insectes volant indique le caractère périssable des mets, allusion à la précarité des biens de ce monde. Le pain et le vin, eux, évoquent la Cène. Ce fragment reste pour le regard contemporain une nature morte aux fruits, à la miche de pain et aux verres de vin, nimbée d’une lumière dorée. Le tableau dans son entier devait inciter à la contemplation. Ce genre de «vie silencieuse» ou «immobile» (Stillleben) d’origine hollandaise gagna très vite l’Allemagne. Ainsi Georg Flegel, né à Olmütz en Moravie, put bénéficier à Linz des leçons de l’un des nombreux artistes et orfèvres des Pays-Bas émigrés dans l’Empire, Lucas Van Valckenborch, avant de s’installer à Francfort. Il est vite reconnu comme un maître des tables servies, appelées aussi «déjeuners» et pour les tableaux, plus simples, de natures mortes. La plus grande partie des œuvres de Flegel ont été exécutées entre les années 1610 et 1635. Il excelle à représenter la réalité tactile et visuelle des fleurs, fruits, insectes et autres éléments éphémères. Le fond noir permet de donner de la densité aux verres transparents, aux coupes de fruits. Sans connaître le reste de la composition, on peut imaginer cette scène éclairée à la lumière de chandelles qui peuvent faire partie du tableau pour en renforcer la symbolique eucharistique. On hésite alors entre nature morte et vanité…