L’armoire à folios réalisée par Bernard II Van Risen Burgh pour le comte Machault d’Arnouville est un chef-d’œuvre du mobilier Louis XV, classé Monuments historiques.
Celle que le commissaire-priseur Hugues Taquet qualifie de « Joconde du mobilier XVIIIe » est passée entre des mains prestigieuses. Celles de son créateur d’abord, le fameux maître ébéniste Bernard Van Risen Burgh, deuxième du nom, auquel le château de Versailles doit des pièces aussi remarquables que le bureau plat du Dauphin livré en 1745. D’un type rarissime, dit « à folios », notre armoire porte sa célèbre estampille, quatre lettres devenues symbole d’excellence : BVRB. En façade un petit vantail découvre sept tiroirs à décor de fleurs monumentales. Une marqueterie de fleurs et écailles de poisson anime sous un plateau de marbre brèche d’Alep, le tout souligné de bronzes dorés marqués du célèbre « C » couronné, poinçon de date mais aussi de qualité, indiquant, entre 1745 et 1749, l’affranchissement des taxes. L’ensemble fut probablement livré par un autre nom connu du Paris de Louis XV, le marchand mercier Thomas-Joachim Hébert qui travaillait avec Van Risen Burgh pour la cour du roi. De l’atelier BVRB à la maison de René Simeoni dans les Yvelines d’où elle provient (voir l'article Au cœur de l’ébénisterie française de l’Ancien régime avec BVRB, Boulle et Roussel ), l’armoire a connu une destinée glorieuse. Elle fut exécutée pour Jean-Baptiste de Machault d’Arnouville (1701-1794), qui occupa d’importantes fonctions politiques sous le règne de Louis XV, notamment celle de contrôleur général des finances du Roi. Sa prestigieuse collection est devenue une référence en matière d’arts décoratifs du XVIIIe siècle. Plusieurs de ses meubles sont notamment conservés au château de Versailles, dont une grande armoire à décor de panneaux de laque de Chine à fond rouge que Van Risen Burgh fut l’un des premiers à utiliser. Notre armoire fut installée dans la bibliothèque du comte d’Arnouville, située dans son hôtel particulier, aujourd’hui le 61, rue des Archives dans le Marais. C’est un modèle unique, destiné à accueillir les ouvrages de grande taille de Machault d’Arnouville. Autre spécificité faisant sa renommée : deux vantaux ouvrant sur les côtés, accueillant lesdits folios, parti pris original pour l’époque. Machault d’Arnouville était connu pour son goût des meubles contemporains qu’il acquiert alors aussi volontiers que des meubles anciens. Elle est restée entre les mains de ses descendants jusqu’en 1989, année où elle est vendue aux enchères à Paris chez Ader Picard Tajan pour 7 MF (1,7 M€ en valeur réactualisée). René Simeoni en deviendra plus tard propriétaire chez le grand antiquaire Maurice Segoura. L’armoire s’apprête à changer de mains une nouvelle fois. Classée monument historique depuis 1989, elle ne quittera pas le sol français.