On l’oublie parfois, tant ses peintures sont fréquentes et prisées sur le marché, mais Vu Cao Dam a aussi pratiqué la sculpture à ses débuts. Son talent s’exprime ici au travers d’un portrait présumé du chanteur Roger Bourdin.
Chanteur baryton, Roger Bourdin a étudié au Conservatoire de Paris avec Gresse et Jacques Isnardon. Il fait ses débuts à l’Opéra-Comique en 1922 dans Manon de Jules Massenet et s’illustrera à l’Opéra de Paris en 1940 dans Mârouf, savetier du Caire d’Henri Rabaud. Fidèle à ces deux théâtres jusqu’en 1959, il a endossé près de cent rôles différents. L’aspect stylisé, la composition asymétrique de ce portrait — s’apparentant à l’esthétique du non finito — l’inscriraient dans les créations des années 1930, en plein art déco. C’est d’ailleurs en 1931 que Vu Cao Dam arrive en France. Issu d’une famille de lettrés et d’artistes – son père, qui s’adonnait à la calligraphie et était un fervent francophile, a accompagné la délégation indochinoise à Paris lors de l’Exposition universelle de 1889 –, le jeune homme étudia à la célèbre École des beaux-arts d’Hanoï, fondée en 1925 par le peintre français Victor Tardieu. Il commença d’ailleurs sa formation comme sculpteur, réalisant déjà des bustes de membres de sa famille, comme celui de son père, avant de se tourner vers la peinture. Mais lorsqu’il arrive en France, ses premières commandes concernent bel et bien des portraits en trois dimensions. Le ministre des Colonies Paul Reynaud et le gouverneur d’Indochine Albert Sarraut sont ses premiers modèles. Suivront bientôt le banquier Jacques Stern, le directeur du Châtelet Maurice Lehmann, l’empereur Bao Dai, le baryton Gaston Bauge ainsi que Roger Bourdin – dont il existe un autre buste, en terre cuite. L’artiste vietnamien travaille alors sous l’influence des œuvres d’Auguste Rodin ainsi que de celles de Charles Despiau. Son succès et sa réputation sont immenses, même la manufacture de Sèvres éditant son buste d’un jeune Vietnamien à partir de 1934. Finalement, si Vu Cao Dam abandonne petit à petit cet art, ce sera pour des raisons matérielles. En effet, durant la guerre, les Allemands interdisent la fonte des métaux, qu’ils gardent pour leur propre usage militaire… Si la terre cuite lui permet de poursuivre un temps cette discipline, son emménagement dans le sud de la France en 1949 confirmera sa nouvelle orientation vers la peinture. Il ne se remettra à la sculpture qu’en 1985, durant un séjour à Majorque, mais uniquement pour modeler le visage de ses proches.