Cette jeune personne éclairait de son charmant visage la page 70 de la Gazette n° 11 du 16 mars, et il était impossible de ne pas la remarquer. Boucles brunes nonchalamment disposées, yeux noisette rieurs, minois franc, un véritable souffle de fraîcheur venu du XVIIIe siècle et traduit de la plus délicate des manières par le pastel de Madame Élisabeth Vigée Le Brun (1755-1842). Autant de qualités menaient cette feuille, Portrait d’une jeune femme à la robe rouge, présumée Caroline Rivière, à s’envoler haut dans le ciel des enchères et à attraper un record mondial pour un dessin de cette artiste (source : Artnet). Le précédent était détenu par une paire de pastels datés 1773, Portrait de Madame de Roissy et Portrait de Monsieur de Roissy, vendue 216 750 € à Paris chez Sotheby’s le 22 juin 2010. Une vraie raison de satisfaction que de voir cette grande dame du monde de l’art du XVIIIe siècle, «star» de cette Semaine du dessin et maîtresse chez elle, en France. Le petit air de ressemblance du jeune modèle avec son célèbre auteur n’a certainement pas nui, et tout porte à croire qu’il s’agit de sa nièce, Caroline Rivière, née Charlotte Jeanne Élisabeth Louise Vigée (1791-1864), fille unique de son frère Étienne. Madame Vigée n’a pas peint que les grands de ce monde disparu, réservant à sa famille une touche plus libre, qui a traversé les siècles sans une ride pour exprimer sa modernité. Emportées par ce beau résultat, d’autres œuvres anciennes et modernes suivaient un chemin prometteur. Le Combat de lions et de sangliers de Jean-Baptiste Oudry (1686-1755), une plume et encre noire aux lavis gris et bruns rehaussée de blanc, datée 1740, s’achevait à 35 392 €. Le musée Atger de la faculté de médecine de Montpellier conserve un dessin à la composition et la technique d’exécution très semblables. Et plus près de nous dans le temps, le Nu à la fenêtre d’Henri Lebasque (1865-1937), peint vers 1930, reproduit page 83 de la Gazette n° 11, s’illuminait de 91 008 €. La lumière, encore et toujours, celle délicate du XVIIIe et celle plus contemporaine du XXe, tissait un véritable fil rouge entre les siècles.