René Bertelé écrit en 1957 dans la préface du catalogue de l’exposition des collages de Jacques Prévert à la fondation Maeght, à Saint-Paul-de-Vence : «Jacques s’exprime de plus en plus par des collages, comme il l’a fait par des poèmes. Moi je pense que ses collages, au fond, sont des poèmes. D’autre part, on se rend compte maintenant que certains de ses poèmes sont un peu des collages de mots si on veut. En tout cas l’état d’esprit est le même.» Sa sœur avait conservé un très beau collage, qui figure parmi les illustrations de l’Événement de la Gazette n° 9 (page 14), consacré à cet éditeur amoureux de beaux textes et à Bernard Loliée, libraire qui lui aussi se passionnait pour Henri Michaux, poète et peintre qui occupe l’essentiel de ce programme. C’est probablement Michaux qui présenta Prévert à Bertelé, et permit ainsi la parution de Paroles, des textes épars écrits depuis de nombreuses années. La couverture choisie d’une photographie d’un grafitti urbain par Brassaï fait écho à ces poèmes épars au vent du temps. Ce fut l’un des grands succès éditoriaux de Bertelé. Il le rappelait dans une lettre de février 1953 à son ami : «Enfin, mon cher Jacques, quand me donnes-tu un nouveau livre à éditer ? Je finis par ne plus l’espérer […] Es-tu si mécontent de ton Poulet-Malassis ? neuf ans que la première édition de Paroles a paru […] Tu es l’aventure et la réussite, tu le sais, de ma vie de maître d’école-éditeur.» De son côté, Prévert n’est pas avare de compliment fait rare chez lui sur son éditeur : « C’est un homme qui sait ce que c’est faire un livre. C’est rare.» Paroles fut un événement de librairie : pas moins de cinq mille exemplaires partirent dès la première semaine…