Un objet de luxe en argent, sans doute destiné au couronnement du tsar, au chiffre d’Alexandre III et de son épouse, s’apprête à faire son entrée sur la scène des enchères.
Roulements de tambour, le 15 mai 1883 du calendrier julien : la capitale russe vit et vibre au rythme du couronnement d’Alexandre III. L’entrée du tsar dans Moscou pavoisée est triomphale, l’armée affiche un garde-à-vous impeccable, les bulbes de la cathédrale Saint-Basile brillent de tout leur éclat, de même que les ors du carrosse impérial. Cela fait des mois que l’événement se prépare dans la plus grande effervescence, et les meilleurs artisans ont été sollicités. Selon la tradition – et ce n’est pas un sujet léger –, les assemblées des nobles de province et des districts, les guildes de marchands, les corps de métiers, les grandes municipalités, les officiers des régiments, les hauts fonctionnaires... tous se doivent de remettre des cadeaux au couple impérial. Les plus grands orfèvres, Ovtchinnikov, Sazikov, Khlebnikov et bien d’autres, sont submergés de commandes et, pour pouvoir les honorer en temps et en heure, il a fallu naturellement les préparer à l’avance. Grand-duc héritier depuis la mort de son frère aîné à Nice, en 1865, Alexandre III devient le souverain de toutes les Russies après l’assassinat, le 1er mars 1881, de son père, le réformateur Alexandre II. Dès 1882, les artisans travaillent à ce couronnement dont la date n’est fixée qu’en janvier 1883. Ceci explique que ce sous-main, en argent, vermeil et émail champlevé, ait été réalisé à Saint-Pétersbourg en 1882 et qu’il ne porte pas la date officielle de l’accession au trône. Il présente en revanche, sous une couronne impériale soulignée par une branche de laurier nouée avec une branche de chêne, le chiffre émaillé d’Alexandre III et de Maria Feodorovna. Tout porte donc à croire que ce présent, frappé par la firme de Pavel Sazikov – fournisseur de la cour et l’un des maîtres orfèvres les plus réputés –, soit un cadeau exécuté pour la grandiose occasion. Son décor en émail champlevé participe à l’élan de russification à l’ordre du jour et à la glorification de l’art national. La maison Sazikov, fondée en 1838 à Moscou et ouvrant quatre ans plus tard une succursale à Saint-Pétersbourg, est considérée comme la première à développer le style néo-russe dans l’orfèvrerie. L’année même de la fabrication de ce portefeuille, elle reçoit les armoiries d’État, soit la plus haute distinction, lors de l’Exposition panrusse d’art et d’industrie. Ce bien provient par descendance de la collection de Michel Brodsky (1894-1997), un homme dont le nom n’est pas inconnu du milieu du photoreportage français. De fait, né en Russie, cet élève d’une école militaire, ayant participé à la Grande Guerre, émigre en France après la Révolution et travaille comme photographe pour différents journaux dont Le Monde illustré, L’Art vivant, Elle ou encore Point de vue et images du monde. Attaché à l’histoire de sa terre natale, il était aussi collectionneur… Ainsi, outre ce portefeuille, d’autres pièces historiques seront dispersées dans cette vacation, notamment deux grands plats en argent, des prix décernés lors de courses hippiques (4 000/6 000 et 3 000/4 000 €).