Un Polonais en Bretagne

Si ce sont ses scènes intimistes Étude, de 1897, provenant du Musée national de Cracovie, et Femme endormie au chat, de 1896, issue d’une collection privée , qui illuminèrent l’exposition «La toilette, naissance de l’intime» au musée Marmottan en 2015, ce sont des natures mortes qui attireront notre attention lors de cette vente. Toutes deux estimées 25 000/30 000 €, Nature morte au fond brun, datée vers 1902, et Nature morte aux œufs (ci-dessus), vers 1915, illustrent une autre influence, celle de l’Aixois Paul Cézanne. Slewinski imprime à ses œuvres une vraie science de la composition, des plans et de la perspective, mais réussit également à les unifier par une grande douceur de la ligne et des couleurs. Wladyslawa Jaworska, autrice de Gauguin et l’école de Pont-Aven, exprimait ainsi son avis sur l’art du peintre polonais : «Slewinski n’avait rien d’un homme radical et entier […] Il n’aimait pas torturer les lignes, ni briser les contours et, s’il s’inspirait de l’esthétique nouvelle, il s’efforçait d’atténuer la décoration outrée de Gauguin et le franc cloisonnisme de Bernard par une interprétation moins violente, plus réfléchie, plus cézannesque.» Une nouvelle illustration du rôle de foyer artistique que jouait Pont-Aven à la fin du XIXe siècle. Slewinski y débarque en 1890. Arrivé à Paris en 1888, le peintre fréquente les académies Julian puis Colarossi avant de rencontrer Gauguin, en 1889, et de se lier d’amitié avec lui. Il le suivra sur le chemin de la Bretagne et deviendra l’un des membres les plus fidèles de cette école. Exposant dans les galeries et salons parisiens de la fin du XIXe, il retournera en Pologne de 1900 à 1905, cinq années durant lesquelles il enseignera aux Beaux-Arts de Varsovie. Il reviendra ensuite en France, s’installant définitivement dans sa terre d’adoption, la Bretagne, à Pont-Aven puis à Doëlan.