En pleine Seconde Guerre mondiale, Paul Delvaux livre sa vision de la destruction en cours dans toute l’Europe. Avec le peintre belge, pourtant, nous ne sommes jamais dans le réel, mais au contraire toujours dans un paysage imaginaire, né d’un étonnant cocktail de références antiques et fantastiques. Des femmes nues, réinterprétations des Aphrodites grecques, évoluent au milieu d’architectures en ruines qui ne sont pas sans rappeler les vestiges des temples athéniens. Cette œuvre, qui aurait appartenu à l’épouse de l’encadreur de Delvaux, rappelle la part importante des dessins au lavis dans la production de l’artiste. Une atmosphère particulière se dégage de ses créations, tendant à l’intemporalité. Des romans de Jules Verne lus dans son enfance, Paul Delvaux tirera un imaginaire très riche, et une inclination au rêve. Il découvre ensuite Homère lors de sa scolarité, à l’Athénée de Saint-Gilles, en Belgique. Son attrait pour les architectures de la Grèce antique se révèle alors, de même que son goût pour le dessin, dont il remplit ses cahiers d’écolier. En 1918, sa rencontre avec Franz Courtens, artiste belge reconnu, est décisive car celui-ci convainc ses parents du talent de leur fils et les incite à l’inscrire à l’Académie des beaux-arts de Bruxelles, dans l’atelier du peintre décorateur Constant Montald. D’abord influencé par le postimpressionnisme puis l’expressionnisme, au cours des années 1920, Delvaux détruira les tableaux de cette période, ne les jugeant pas assez aboutis. Par la suite, sa rencontre avec le peintre Mesens, ami de Magritte et de Spaak, lui ouvre les portes du surréalisme, avant que sa découverte en 1934 lors d’une exposition à Bruxelles des œuvres de Dalí, Magritte et De Chirico ne soit pour lui une révélation. L’univers de ce dernier le fascine par ses anachronismes, son sentiment d’étrangeté et de mystère. Même si l’artiste n’appartient pas officiellement au groupe, il participe en 1938 à l’Exposition internationale du surréalisme, organisée par Breton et Eluard à la galerie des Beaux-Arts de Paris. Sa carrière est définitivement lancée et sera bientôt consacrée par plusieurs expositions personnelles, à Bruxelles en 1944-1945, à Lille en 1966, ou encore à Tokyo en 1975.