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Un moment muglerissime au musée des Arts décoratifs

Publié le , par Estelle Dupuis

Le MAD offre un coup de projecteur théâtral sur la « recherche infinie et joyeuse », comme il la définit lui-même, du couturier Thierry Mugler. Retour sur l’univers artistique d’un créateur visionnaire.

Alan Strutt, Yasmin Le Bon dans un modèle de Thierry Mugler, Collection La Chimère,... Un moment muglerissime au musée des Arts décoratifs
Alan Strutt, Yasmin Le Bon dans un modèle de Thierry Mugler, Collection La Chimère, haute couture automne-hiver 1997-1998
© Alan Strutt

Thierry-Maxime Loriot connaît bien les « Jeunes créateurs », cette génération de couturiers que le ministre Jack Lang a porté sur le devant de la scène dans les années 1980. Et pour cause : « La planète mode de Jean Paul Gaultier : de la rue aux étoiles », exposition qui, pour son étape parisienne en 2015, investissait le Grand Palais, portait déjà sa signature. Aujourd’hui, c’est le travail de Thierry Mugler, autre acteur majeur de cette époque incontournable dans l’histoire de la mode française, que Thierry-Maxime Loriot nous révèle. Ancien danseur au ballet de l’Opéra du Rhin, Mugler s’impose en homme de spectacle, d’images et d’univers créatifs totaux, s’intéressant avant tout « à la mise en scène du quotidien ». Pour cette première exposition jamais consacrée au créateur – produite par le musée des Beaux-Arts de Montréal et présentée dans la métropole québécoise en 2019 –, le commissaire a donc conçu un parcours thématique, scénarisé et contrasté à l’extrême, plutôt que chronologique. La première et la dernière séquence de l’exposition sont les plus spectaculaires. Dans des salles dominées par deux collections des années 1997-1998, Les Insectes et La Chimère, animées par une imagerie visuelle réalisée par le studio montréalais Rodeo FX, on est plongé d’emblée dans l’onirisme du bestiaire de Mugler. En guise de bouquet final, sombre et baroque à la fois, la présentation des costumes créés pour Macbeth, présenté par la Comédie-Française au festival d’Avignon en 1985 : d’imposantes figures prenant une allure spectrale au contact de l’œuvre numérique de Michel Lemieux. Entre ces deux temps forts, s’imposent la permanence et l’entremêlement des différentes sources d’inspiration du créateur. Outre la faune et une entomologie fantastique, son goût pour la carrosserie automobile, la science-fiction et les superhéroïnes de bande dessinée permet de comprendre en profondeur la précision du trait et des proportions de la silhouette Mugler. Sans oublier l’underground, le fétichisme, les superstars, et ses matières de prédilection : métal, latex, vinyle, cuir, velours et bien sûr paillettes, cristaux et strass. Le tout décliné en 140 tenues, dont la majorité proviennent des archives Mugler et qui sont pour la première fois exposées. Orchestrées en un savant mélange de pièces couture, de prêt-à-porter féminin et masculin et de costumes de scène retraçant une carrière entamée en 1973, les silhouettes reprennent vie, entre glamour et humour espiègle, dans des films d’archives de défilés et des clips qui ponctuent la seconde partie de l’exposition. C’est aussi au créateur de parfums, mais plus encore à celui d’images de mode et de publicité que l’exposition fait la part belle, avec le travail d’un Mugler que l’on découvre photographe, fasciné par les architectures monumentales – là encore, la ligne et les proportions –, ou collaborant avec les grands noms de l’époque, Helmut Newton en tête. Pris dans ce tourbillon, on en oublierait presque les heures de travail et la virtuosité des savoir-faire et techniques qui présidèrent à la confection des pièces les plus spectaculaires. Outre les traditionnels plumassier – Lemarié – corsetier – Mr Pearl – ou chapelier – Philip Treacy –, Mugler a noué des collaborations plus inattendues, avec le carrossier en aviation Jean-Pierre Delcros ou le designer industriel Jean-Jaques Urcun, notamment. Un éclairage sur lequel on aurait aimé s’attarder un peu plus : voilà peut-être le seul oublié de cet opus foisonnant.

« Thierry Mugler, Couturissime », musée des Arts décoratifs,
107, rue de Rivoli, Paris Ier, tél. : 01 44 55 57 50.
Jusqu’au 24 avril 2022.
madparis.fr/couturissime
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