"The sun is god". La légende veut que William Turner ait prononcé ses mots sur son lit de mort, alors qu’un rayon de soleil venait éclairer ses derniers instants. On a envie de croire cette histoire, car elle résume parfaitement la longue quête du peintre anglais sur le chemin de la lumière. En collaboration avec la Tate Britain, détentrice d’un fonds de près de 35 000 œuvres entrées à la suite de son legs en 1856, la Fondation Pierre Gianadda lui offre une nouvelle fois ses murs – vingt-quatre ans après « Turner et les Alpes » – et sous le commissariat du même David Blayney Brown. Le parcours ne se veut pas chrono-thématique : il n’était pas question de faire une rétrospective, mais d’amener le visiteur à ressentir une émotion au travers des quelque cent œuvres accrochées. Il invite ainsi à une expérience presque immersive, dans l’atmosphère inlassablement traquée et rendue de manière si subtile et unique. Des études préparatoires aux grandes compositions en passant par les fluides aquarelles – certaines n’avaient jamais été montrées du fait de leur fragilité –, toutes expriment une synthèse entre le vécu, la mémoire sollicitée et le sentiment ressenti, trois éléments requis tour à tour pour créer ces paysages spectaculaires dilués dans la lumière. Les voyages et, ici, tout spécialement ceux dans les Alpes, sont pour l’artiste une source inépuisable d’inspiration. Il les agrémente de récits mythologiques ou historiques et fabrique des œuvres trahissant son obsession des phénomènes météorologiques. Les ciels éblouissent, les bateaux pris dans le déferlement des éléments et les couchers de soleil embrasent l’horizon. Héritier de Rembrandt et du Lorrain, Turner s’affirme une fois de plus comme un visionnaire, annonçant les révolutions de l’art moderne, de l’impressionnisme de Monet à l’abstraction lumineuse de Rothko.