La semaine dernière voyait trois foires se dérouler les pieds dans l’eau. San Francisco accueillait Untitled, tandis qu’à Los Angeles se déroulait le L.A. Art Show et, à Palm Beach, Palm Beach Modern and Contemporary. Retour sur le commerce de l’art sous le soleil.
Week-end spectaculaire aux États-Unis, alors que plusieurs foires se déroulaient simultanément dans trois métropoles côtières : San Francisco, Los Angeles et Palm Beach. Succès de fréquentation et réussite commerciale étaient les maîtres mots de chacun des trois événements. Mieux encore, à travers leurs sélections d’exposants et le choix des œuvres proposées, le caractère propre à chaque destination a bel et bien été préservé. Petit tour d’horizon.
Untitled SF
L’aventure Untitled a débuté à Miami en 2012. Cinq ans plus tard, la marque s’est déployée à San Francisco. On assistait donc à la seconde édition californienne de la foire. Les organisateurs s’étaient donné pour défi de trouver un bâtiment pour accueillir l’événement en résonance avec l’architecture environnante. Pari réussi avec le Palace of Fine Arts, lieu iconique, romanesque et majestueux, emblème de la ville à la croisée entre le Marina District, principalement résidentiel, et le parc à la nature luxuriante de Presidio, qui débouche sur le Golden Gate Bridge. Un lieu intimidant, un sacré challenge. La programmation d’Untitled San Francisco s’est montrée ambitieuse, cherchant à tout embrasser : private galleries et exposants non commerciaux, nouveaux médias, œuvres non traditionnelles… Tout le spectre des galeries était représenté : de la plus embryonnaire aux marchands AAA. Ce qui peut vite virer au fouillis indescriptible a miraculeusement fonctionné cette fois-ci. Côté blue chips, on retrouvait notamment David Zwirner qui fête ses 25 ans d’activité cette année. La galerie, qui était également sur FOG Design and Art Fair, a bien réussi sa foire ; Hyatt Mannix se montre satisfait des résultats de ces quelques jours : «Nous avons vendu neuf œuvres d’Oscar Murillo, chacune entre 75 000 et 340 000 $, mais aussi des pièces de Richard Serra, Isa Genzken, Mamma Andersson, Francis Alÿs, Josh Smith, Lucas Arruda, plusieurs autres de Ruth Asawa et des photographies de Wolfgang Tillmans.» À l’autre bout du spectre, on retrouvait le SOMArts Cultural Center, un incubateur qui offre accès à des ateliers dans la ville depuis 1979. Les pièces présentées étaient à la fois provocantes et tout simplement belles. Également dédiée à l’art dans la ville, une table ronde particulièrement intéressante voyait intervernir trois artistes, commissionnées par la ville de San Francisco Mildred Howard, Catherine Wagner et Julie Chang. Chacune présentait son travail pour le San Francisco Public Art Program, initié en 1969 et reconnu comme pionnier dans l’égalité des genres dans l’art (51 % des projets commandés l’ont été auprès d’artistes femmes).
L.A. Art Show
Un peu plus loin sur la côte mais à un monde de Untitled , L.A. Art Show accueillait les foules dans un type de lieu bien différent : le Los Angeles Convention Center. Le vernissage, présenté par la vedette de Mad Men Jon Hamm, était l’occasion de voir des stars en nombre. Peut-être d’ailleurs davantage que d’acheteurs. Selon Bert Green, de la galerie éponyme de Chicago, qui participe à la foire depuis dix ans, «le public est encore une fois venu en force, mais les ventes ont été plus modérées. Nous avions fait le choix de présenter des œuvres sur papier relativement abordables.» En revanche, pour le marchand canadien Brian Liss, «la foire s’est très bien passée. Nous avons vu beaucoup de collectionneurs et avons apprécié le soutien de l’organisation. Les photographies de Sim Posen, qui s’est formé auprès d’Ansel Adams et est récemment entré dans les collections du MET, ont particulièrement reçu l’attention des acheteurs.» Enfin, Nicole Capozzi, de la galerie BoxHeart de Pittsburgh, a «beaucoup apprécié l’atmosphère chaleureuse de L.A. Art Show. Nous avons notamment vendu le triptyque Dream To Cling To de Joshua Hogan, la sculpture Tiktaalik de Kyle Ethan Fischer, la série en céramique «Watchers» d’Irina Koukhanova, ainsi que diverses aquarelles et sculptures de Daria Sandburg. Le vernissage était particulièrement enthousiasmant, avec de nombreux curieux pour toutes les œuvres présentées.» L’installation Left or Right du Cubain Antuan Rodriguez représenté par Conde Contemporary a particulièrement reçu l’attention du public. Hommes et femmes faisaient la queue pour pouvoir approcher ses punching-balls aux visages de nos chers dirigeants. Entre Trump, Poutine, Castro, Kim Jong-un et d’autres, c’est une vingtaine de visages que l’on pouvait frapper dans un acte exutoire du meilleur goût.
Palm Beach Modern and Contemporary
Côté Floride, Palm Beach Modern and Contemporary retournait à West Palm Beach, là encore pour une seconde édition. Organisé par le groupe qui supervise déjà Art Miami depuis vingt-huit ans, l’événement s’adressait à des collectionneurs moins nombreux, mais plus aguerris. Bertrand Scholler, de la galerie 55 Bellechasse à Paris, est tout à fait représentatif des soixante-cinq exposants de la foire. Selon lui, «l’année précédente, la majorité des ventes concernaient les pièces les plus abordables. Cette année, nous avons voulu être plus ambitieux. Bien nous en a pris, car les visiteurs sont principalement des collectionneurs importants de Floride, Californie et New York. Nous avons bien vendu tous nos artistes, Niloufar Banisadr, David Ramírez Gómez, Jason Newsted, Jon Davis ou Pascal Vochelet. » Alors que le week-end était dense avec ces trois foires états-uniennes, les singularités de chaque offre rendaient le choix plus aisé pour les collectionneurs ; chacun avait de quoi trouver chaussure à son pied. Très ancré localement, chaque événement représentait avec brio l’atmosphère et la culture de sa ville d’accueil. Preuve s’il en est que le marché américain continue de vibrer hors du traditionnel froid new-yorkais…