Pratiqué depuis la nuit des temps, le ski devient réellement un loisir dans les années 1930 et surtout 1960. Effet boule de neige, les stations se multiplient, les équipements se modernisent, comme la tenue des touristes.
L’ai-je bien descendu ?» Chacun se souvient de Cécile Sorel apostrophant Mistinguett au bas des marches du grand escalier du Casino de Paris parmi ses girls emplumées dans la revue Vive Paris. Nous sommes en 1933. Sur les pistes, les skieurs ont déjà planté le bout de leurs spatules en haut des champs de neige, même si les remontées mécaniques se limitent alors aux téléphériques et aux funiculaires. En 1924, année des jeux Olympiques d’hiver de Chamonix qui s’appellent alors Semaine des sports d’hiver , l’inauguration du premier tronçon du funiculaire aérien des glaciers, ancêtre du téléphérique de l’aiguille du Midi à destination des touristes et des skieurs, est une révolution. Le rêve blanc devient réalité grâce à une petite cabine de dix-huit places ! Pour les téléskis et autres œufs de toutes les couleurs, il faudra attendre les années 1950. En 1970, la France compte plus de 1 800 appareils. L’or blanc a la cote !
Le ski utile venu de Scandinavie
Il est loin le temps des bataillons de skieurs menés par le futur roi Gustav Vasa pour la libération de la Suède, envahie par le Danemark, ou celui de Barthélemy de Lesseps, consul de France, découvrant le Kamchatka (1785-1788) sur ses planches lors de l’expédition du comte de La Pérouse… En 1881, la première école de ski voit le jour à Telemark en Norvège. En 1888, l’expédition Nansen, qui traverse le Groenland à ski, aura un retentissement mondial. On s’interroge sur le matériel et ses utilisations possibles. Les militaires seront parmi les premiers intéressés. Le ski n’est encore qu’un moyen de transport pour les postiers, pour les médecins, etc. Mais s’il est une ville incontournable dans l’histoire des sports d’hiver, c’est Chamonix. Elle n’a rien d’une carte postale mais c’est un site unique pour l’alpiniste chevronné, le skieur de l’extrême, ou le simple «monchu» un «monsieur» en patois savoyard, mais surtout un touriste, un visiteur, un étranger… Le destin de Chamonix a toujours croisé celui des Britanniques, depuis la publication en 1741 de La Relation d’un voyage aux glacières de Savoie, de William Windham. Entre 1860 et 1960, le village blotti autour de son église devient une ville au pied du Mont-Blanc, le cœur des Alpes et surtout de la montagne. Simples outils de propagande au début du XXe siècle, les affiches publicitaires deviennent des œuvres d’art, proposées aujourd’hui à des prix abordables de 1 000/1 500 € à 3 000/4 000 € lorsqu’elles sont en bon état de conservation. Le site représenté Chamonix, le Mont-Blanc, la Suisse… importe plus que le nom de l’illustrateur, exception faite de Roger Broders (1883-1953), dont les images peuvent recueillir 6 000/8 000 €. Artiste parmi les plus prolifiques de la période art déco, son travail est indissociable de la société PLM. L’entreprise, qui exploite le réseau ferré du sud-est de la France depuis 1857, lui commandera plus d’une centaine d’affiches entre 1922 et 1932, de la Côte d’Azur aux Vosges en passant bien sûr par les Alpes. «Roger Broders, avec des larges aplats et un géométrisme hardi, s’élève au-dessus du lot. Sa palette aux tons riches rend aussi bien le soleil du Midi que la froideur des cimes et ne craint pas les hardiesses de mise en page», souligne l’expert Alain Weill.
Des photographes sur le toit de l’Europe
Machine à remonter le temps, la photographie de montagne a aussi ses spécialistes : les Tairraz. Entre 1857 et 2000, quatre photographes chamoniards vont, de père en fils, inventer et se transmettre l’art de la rendre accessible à tous… ou presque. Le premier, Joseph (1827-1902), guide de montagne, s’intéresse à la technique du daguerréotype et tire le portrait de ses proches. En 1861, il réalise, avant Auguste-Rosalie Bisson, la première photographie au sommet du Toit de l’Europe. Très vite, il ouvre un studio à Chamonix. La dynastie est lancée. Elle s’éteindra à la mort de Pierre Tairraz (1933-2000). Leurs images, magiques, accompagnent les transformations de Chamonix et de l’alpinisme. Sous le marteau, elles se négocient jusqu’à 2 000/3 000 €. Celles de Joseph sont les plus recherchées car les plus rares, une crue de l’Arve ayant dévasté le studio en 1900 comptez 6 000/7 000 € pour de grands tirages bien contrastés. Les Anglais, encore eux, vont être les premiers à concevoir le ski comme un loisir. On les croise dans les Alpes, en traîneau à chien, en luge, sur des patins à glace Chamonix se dote d’une patinoire naturelle de 6 000 mètres carrés dès 1893 , en quête de sensations nouvelles. On s’initie au «ski joëring» (le skieur est tracté par un cheval), on joue au hockey, et même parfois au golf sur la neige ! Au Revard (entre Aix-les-Bains et Chambéry), on installe une piste de luge et de bobsleigh, deux tremplins de saut et une aire de curling. Les sports d’hiver en sont à leurs balbutiements, la Première Guerre mondiale va les stopper dans leur essor. En 1922, le baron de Rothschild choisit Megève pour faire construire l’hôtel du mont d’Arbois et transformer le village en station de ski. Le tout premier téléphérique à usage unique des skieurs sort de terre à Rochebrune en 1933. Suivront, à partir des années 1950, les stations de Courchevel, Les Arcs et Avoriaz, où l’on revient les skis aux pieds, puis, pour échapper au gigantisme architectural, la construction des gros chalets collectifs de Méribel et ceux du genre «village suisse» de Valmorel. Le commun des mortels lace ses chaussures en cuir et dévale les pistes sur des skis en bois massif.
En piste pour les trente glorieuses
Avec les années 1960, vive le matériel moderne : le métal et la fibre de verre, les fermetures à crochets, les coques en plastique. Après 1968, tout le monde veut ressembler à Jean-Claude Killy, être au chaud et au sec. Doudounes, combinaisons façon astronautes et les fameuses Moon Boots ! C’est le temps béni où les vedettes du cinéma et de la chanson posent en tenue de ski, de Bourvil à Sacha Distel en passant par Brigitte Bardot, Sheila, John Lennon ou Johnny Hallyday meilleur sur les pistes de danse que celles de ski… Amateurs de souvenirs, passez votre chemin : plus que le matériel ou la panoplie du sportif, ce sont les tableaux sur le thème qui ont la cote. Et tout particulièrement, ceux de la montagne sous la neige. «Le marché est stable, constitué de collectionneurs, français à 70 %, mais aussi anglais, américains, et italiens», explique le spécialiste Renaud Rinaldi. «Ce que recherchent les gens, c’est ce qu’ils connaissent, les grands sites Megève, les Écrins, le Mont-Blanc, Zermatt, le Cervin.» À ce jeu-là, Charles-Henri Contencin et Samivel dessinateur et alpiniste , décrochent la médaille d’or. Le premier pour son talent à capter la lumière et les reflets sur la neige, le second pour son style particulier influencé par le japonisme et sa poésie. Ses gravures s’échangent autour de quelques centaines d’euros, ses rares aquarelles peuvent grimper jusqu’à près de 10 000 €. Quant au premier, comptez de 1 500 à 20 000/25 000 €, voire plus si affinités. L’ivresse des cimes…