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Talabardon & Gautier, un succès aux enchères !

Résultat 243 200 EUR
Publié le , par Anne Doridou-Heim
Vente le 21 mars 2023 - 14:00 (CET) - Salle 9 - Hôtel Drouot - 75009

Une pluie de préemptions et une ambiance des grands jours accompagnaient à Drouot la dispersion partielle du fonds de la galerie parisienne.

Louis-Léopold Boilly (1761-1845), Jeune fille portant son frère sur ses épaules dans... Talabardon & Gautier, un succès aux enchères !
Louis-Léopold Boilly (1761-1845), Jeune fille portant son frère sur ses épaules dans un jardin, pierre noire, estompe et rehauts de gouache blanche sur papier chamois, vers 1707-1799, 47,3 33,9 cm.
Adjugé : 243 200 

David Norman l’affirmait aussitôt la vacation du jeudi terminée : «Cette vente a fait venir à Drouot de grands marchands et les collectionneurs du monde entier.» Évidemment, la date avait été choisie avec soin, puisqu’elle collait avec le Salon du dessin, et si cette année la galerie Talabardon & Gautier n’y était pas présente, c’est parce qu’une grande partie de son fonds se retrouvait sur les cimaises de l’Hôtel (voir l’Événement Galerie Talabardon & Gautier : l’exigence au service de l’art de la Gazette n° 10, page 14). On pouvait craindre des difficultés, n’étant jamais aisé de soumettre aux enchères des œuvres récemment acquises, souvent au prix fort et déjà proposées sur le marché de l’art. Il n’en fut rien, bien au contraire… Tous, et les institutions françaises en premier lieu, étaient aux aguets pour tenter d’emporter qui des dessins, qui des tableaux et des sculptures, lesquelles étaient en effet jusque-là inaccessibles, les attentes des deux marchands en termes de prix étant assez élevées. Cependant, leur œil de découvreur et leur talent de chineur invétéré n’étaient contestés par personne et, devant les estimations affichées par les experts, l’envie est revenue, très forte. Les deux journées, voyant se succéder 350 lots, se sont conclues sur un produit total de 5 765 000 € – soit au-dessus de la fourchette haute des espoirs – et pas moins de quatorze préemptions opérées, témoignage de la reconnaissance du monde muséal. Le XIXe étant leur période fétiche, il était naturel que ce soit lui qui emporte le plus de suffrages, à commencer par les 243 200 € d’un dessin de Louis-Léopold Boilly (voir ci-dessous et article ci-dessus mentionné). Cette Jeune fille portant son frère sur ses épaules dans un jardin, réalisée vers 1797-1799, est une parfaite illustration de la maîtrise du successeur de Greuze pour la transcription des scènes de la vie familiale et quotidienne. Venait ensuite, à l’autre extrémité du siècle, le Portrait de Germaine, fille de l’artiste, à l’âge de 4 ans (49 49 cm), peint sur toile en 1882 par un père visiblement aimant, Jean-François Raffaëlli (1850-1924). En effet, celui-ci n’a eu de cesse de la représenter, à quatre mois, à deux ans, dans l’adolescence… La fillette était ici transcrite dans des tons clairs et une palette lumineuse qui contrastent avec le reste d’une production plus officielle. Emportée à 140 800 €, une Vue de Saintes, prise de Lormont (32 46 cm) par Gustave Courbet (1819-1877) en 1865 traduisait le goût de Talabardon et Gautier pour la peinture de paysage sur le motif, qu’ils ont grandement contribué à remettre en lumière. En témoignaient aussi les 76 800 € recueillis par une Vue prise à Rome sous l’arc de Janus (96 73,5 cm) du comte Lancelot Théodore Turpin de Crissé (1782-1859), de 1818, et les 51 200 € d’une autre du Vésuve en éruption (46 61 cm), un papier marouflé sur carton de Simon Denis (1755-1813). Le Lac des Quatre-Cantons depuis Rigi-Kulm (27 41 cm), un panneau de Giuseppe De Nittis (1846-1884) emporté à 53 760 €, en est une autre – magistrale – illustration.


Une leçon de choses
Les maîtres anciens ne se laissaient pas facilement distancer et prenaient eux aussi toute leur place dans ce succès, à commencer, à 108 000 €, par La Leçon de broderie (50,5 39,5 cm) de Michael Sweerts (1618-1664). Ce tableau du XVIIe, ayant appartenu au siècle suivant à Armand-François-Louis de Mestral de Saint-Saphorin (1738-1805) – collectionneur suisse et ambassadeur du roi du Danemark dans plusieurs pays d’Europe –, traduit avec une grande délicatesse pour son époque la fraîcheur de l’enfance et la beauté des choses simples. Deux esquisses de Jean Baptiste Oudry (1686-1755), Io changée en vache (47,2 69,2 cm) et Hippomène et Atalante (47,5 69 cm) – appartenant au cycle des «Métamorphoses d’Ovide» –, étaient décrochées à 110 080 € et L’Apothéose de Psyché (57,6 65,2 cm) de Jean-Baptiste Marie Pierre (1714-1789), étude à l’huile sur toile pour le plafond de l’appartement d’apparat de la duchesse d’Orléans au Palais-Royal, à 115 200 €.

 

Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867), Le Condottiere, 1821, huile sur toile agrandie par trois tasseaux de bois, 53,5 x 43 cm. Adjugé
Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867), Le Condottiere, 1821, huile sur toile agrandie par trois tasseaux de bois, 53,5 43 cm.
Adjugé : 198 400 
Gustave Courbet (1819-1877), Vue de Saintes, prise de Lormont, huile sur toile, 32 x 46 cm.Adjugé : 140 800 €
Gustave Courbet (1819-1877), Vue de Saintes, prise de Lormont, huile sur toile, 32 x 46 cm.
Adjugé : 140 800 €


Du côté des préemptions
Le Condottiere de Jean Auguste Dominique Ingres (reproduit ci-dessus et voir l'article Quand Ingres peint un condottiere du côté de Florence… de la Gazette n° 3, page 6) semblait être une œuvre ardue pour un collectionneur, mais typiquement muséale : on ne pouvait donc que se réjouir que le musée de Montauban emporte ce maillon de son corpus, pour 198 400 €. Le maître du néoclassicisme brosse ici un visage rustre et peu affable, bien loin des canons de beauté qui lui sont souvent attribués. En faisant un détour par l’historicisme, il a eu envie de «s’attaquer» à un homme de guerre, barbu et cuirassé comme il se doit, et de le magnifier. Ce tableau est un écho au travail d’investigation mené avec une détermination sans faille depuis trente ans par les deux Bertrand. Pas moins de treize autres préemptions étaient prononcées. Outre celles présentées en page de droite, on notera l’acquisition par le musée des beaux-arts d’Orléans d’un tableau de Louis Hersent (1777-1860), La Fiancée du roi de Garbe (61,8 50,5 cm - 7 680 €), d’une peinture d’Antoine-Auguste Thivet (1856-1927) montrant une martyre (59,7 82 cm - 6 656 €) et du bas-relief en cire rouge de David d’Angers (1788-1856) figurant le profil d’Achille Devéria (7 680 €). Le musée Napoléon Ier de Fontainebleau se positionnait ensuite à 12 800 € pour emporter la figure en pied de Nicolas-Charles Oudinot, duc de Reggio, maréchal de France, fixée en 1810, et celui de la Maison Bonaparte d’Ajaccio, à 3 840 € pour un dessin de Carle Vernet (1758-1836), La Délivrance de la Corse, 29 Vendémiaire An 5. Le musée d’Orsay repartait pour finir avec trois feuilles de Louis-Adolphe Hervier (1818-1879) : de véritables témoignages historiques montrant des scènes de barricades à Paris, lors des journées révolutionnaires de 1848 (6 400, 6 400 et 2 304 €). L’Hôtel Drouot, qui ainsi que le disait Bertrand Gautier avait été pour eux «une véritable école» (voir l’article ci-dessus mentionné), accueillait dignement cet ensemble, dont la vente va permettre à leur travail de se poursuivre, même différemment.

 

Le château de Versailles repartait à 44 800 € avec ce Portrait d’Étienne Vincent de Margnolas (1781-1809), sculpté dans un bloc de marbre
Le château de Versailles repartait à 44 800 € avec ce Portrait d’Étienne Vincent de Margnolas (1781-1809), sculpté dans un bloc de marbre blanc particulièrement fin par Giacomo Spalla (1775-1834). Résolument néoclassique et reprenant fièrement les codes du portrait officiel antique, ce buste montre la figure de l’un des plus hauts magistrats du premier Empire sous le ciseau de ce Piémontais, formé auprès d’Antonio Canova et entré au service de Napoléon Ier en 1807.
L’Étude de cheval pour l’Entrée d’Henri IV dans Paris du baron Gérard (1790-1837) était emportée pour 40 960 € par le musée du Château de
L’Étude de cheval pour l’Entrée d’Henri IV dans Paris du baron Gérard (1790-1837) était emportée pour 40 960 € par le musée du Château de Pau. Si l’œuvre appartient évidemment à l’histoire du roi, il s’agit aussi de l’une des rares études équines du peintre. Grâce à Talleyrand, Gérard obtient la commande d’un portrait de Louis XVIII, qu’il présente au Salon de 1814. Satisfaite, la maison du Roi le mandera pour livrer en 1816 l’une de ses plus célèbres compositions, l’Entrée de Henri IV à Paris le 22 mars 1594 (musée national des châteaux de Versailles et de Trianon), qui lui vaudra de nombreux éloges.
La maison de Victor Hugo, une habituée de la galerie, préemptait à 192 000 € deux pinceaux et lavis d’encre sur trois planches de sapin de
La maison de Victor Hugo, une habituée de la galerie, préemptait à 192 000 € deux pinceaux et lavis d’encre sur trois planches de sapin de son grand homme, Vivez : le banquet et Mourez : la tombe (28,4 82,5 cm chacun). Victor Hugo (1802-1885) a rarement utilisé le bois comme support de ses dessins. Il livre de plus une incantation métaphysique, qui n’est pas sans rappeler les injonctions de Gauguin et témoigne peut-être de la mort de sa fille aînée, Léopoldine, en interrogeant sur la douleur de survivre à la disparition d’un être cher. Il s’agit en tout cas de documents exceptionnels, dont la place était indéniablement dans son musée.
Alexandre Dumas entre au Louvre ! De fait, l’institution parisienne a acquis pour 57 600 € son buste en plâtre patiné façon bronze, du scu
Alexandre Dumas entre au Louvre ! De fait, l’institution parisienne a acquis pour 57 600 € son buste en plâtre patiné façon bronze, du sculpteur Jacques-Auguste Fauginet (1809-1847) de 1831. Cet artiste assez confidentiel est surtout connu pour son travail d’animalier. Pourtant, avec ce buste réalisé alors que l’écrivain n’a que 28 ans, il livre un véritable chef-d’œuvre, associant le néoclassicisme d’une découpe en hermès à un traitement novateur dans le rendu de la chevelure, annonçant le futur romantisme. Le musée enlevait aussi une étude d’Edgar Degas (1834-1917), L’Esclave mourant d’après Michel-Ange, à 57 600 € également.
mardi 21 mars 2023 - 14:00 (CET) - Live
Salle 9 - Hôtel Drouot - 75009
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