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Table laquée de Jean Dunand : technique et imagination

Publié le , par Caroline Legrand
Vente le 25 février 2023 - 14:00 (CET) - 12-14, rue Peyronnet - 33800 Bordeaux

La laque était une obsession pour Jean Dunand qui l’initia sur ses vases avant de l’étendre sur des panneaux, des objets de décoration et des meubles. Avec toujours le même souci de perfection.

Jean Dunand (1877-1942), table basse rectangulaire en laque, laque arrachée, laque... Table laquée de Jean Dunand : technique et imagination
Jean Dunand (1877-1942), table basse rectangulaire en laque, laque arrachée, laque de Chine et feuille d’or, signée du cachet «Jean Dunand Laqueur», numéro au revers, 41 79 51 cm.
Estimation : 40 000/60 000 €.
Adjugé 265 000 €

Jean Dunand fut le premier artiste occidental à laquer des meubles, au début des années 1920. Avant lui, les laqueurs connus étaient japonais. C’est d’ailleurs auprès de l’un d’entre eux, Seizo Sugawara, de passage à Paris en 1912, qu’il s’initie à cette technique, la maîtrisant bientôt parfaitement et la faisant même évoluer grâce à des procédés modernes. Formé d’abord à la sculpture puis à la dinanderie, Dunand est d’une polyvalence rare et surtout d’une inventivité sans limite. Ce sont d’abord ses vases qui recevront un décor laqué mais, bientôt, aucun objet d’art n’y échappera, ni même les hélices d’avion durant la guerre ! Dans son atelier de la rue Hallé, dans le 14e arrondissement, pas moins de 60 ouvriers sont employés pour produire aussi bien des bijoux que des paravents, des vases ou des meubles, tous créés de manière artisanale et donc uniques. Provenant d’une collection particulière du sud de la France, cette table basse semble l’être encore un peu plus que les autres… Datée entre 1925 et 1930, elle été réalisée d’après un modèle de 1923-1925. Comme le confirme l’expert Emmanuel Eyraud, Dunand réussit une fois de plus, avec cet ouvrage, à «mettre la technique au service de l’esthétique». Sous une apparente sobriété, cette table est en effet un chef-d’œuvre de technicité. Laque arrachée, laque de Chine et feuille d’or y sont ainsi réunies. Si le piétement et la ceinture arborent ainsi une traditionnelle laque naturelle (toujours délicate à réaliser en raison des conditions hygrométriques nécessaires et des nombreuses couches superposées)
de couleur écaille blonde, le plateau rectangulaire est bien plus complexe et rare dans la production de l’artiste. Il se compose en effet d’un fond de feuille d’or recouvert d’une laque naturelle avec très peu de passages, donc presque translucide. Sur cette dernière a été apposée une laque arrachée, de couleur corail rouge. Cette technique consiste à appliquer sur la matière encore fraîche une spatule en bois, retirée ensuite de manière brusque. Ce mouvement produit une granulation en gouttelettes permettant ainsi de jouer du relief et des textures. La surface est ensuite poncée pour en adoucir le grain. Sur notre table, cependant, aucun ponçage n’a été effectué 
: la laque arrachée a été seulement «polishée» afin de conserver au mieux la couleur rouge et sa brillance, qui se détache ainsi du fond doré. Si Dunand recherche généralement un contraste fort entre le piétement et le plateau, avec l’utilisation fréquente de coquille d’œuf sur ce dernier, il préfère ici une transition subtile entre les teintes, du plateau aux nuances de rouge et d’or vers le piétement blond. Cette uniformisation de l’ensemble se confirme dans la géométrisation des formes et des motifs. Le plateau est ainsi recouvert de motifs carrés répondant à la structure du meuble, et notamment à ses pieds d’angle de section triangulaire. Durant cette période (1923-1925), l’artiste donne particulièrement sa préférence aux formes inspirées du cubisme. Malgré cette construction puissante, une grande élégance émane de ce meuble, qui pourrait bien constituer une expérimentation technique de la part de son auteur, à moins qu’il ne s’agisse d’une commande particulière.

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