Toute matière comporte de la lumière : Pierre Soulages l’a tout de suite compris et intégré à son œuvre tant peint que gravé. Il se montre virtuose dans les diverses techniques de l’estampe, eau-forte et lithographie notamment. Il y travaille en parallèle de ses toiles, dès les premières années. Un domaine où il peut innover tout en respectant les spécificités rencontrées. Cette épreuve en est un exemple particulièrement réussi. Il suffit de voir l’éclat de la feuille transparaître, s’immiscer dans les strates de bleu et de noir, enchanter toute la composition. Sans ces effets, minces certes, on ne ressentirait par la vibration exquise, tout en délicatesse, l’attrait magnétique de l’œuvre. Selon le texte du musée Soulages consacré aux estampes, «ses œuvres sont mémoires des recherches successives où la part des hasards est prépondérante». Proche de l’art du dessin, la lithographie l’a tout d’abord «très gêné», selon ses propres termes. Il recherche une méthode plus personnelle : «Alors, j’ai tenté de retrouver une qualité propre à la lithographie : […] je travaillais directement sur le tirage, en totalité. Puis je reprenais la même pierre et j’apportais des précisions ou même d’autres formes se combinant avec le premier état sur chaque feuille […] pour parvenir, après trois, quatre interventions, au tirage numéroté définitif.» Une Composition, épreuve datée 1947, annotée «HC», obtenait 9 600 € ; elle permettait aussi de voir le cheminement de sa technique. Pénétrer la matière, en comprendre le processus particulier, la caractéristique. Ce procédé adopté «me paraissait redonner à la lithographie le statut d’œuvre originale telle que je la comprends : une œuvre conçue et issue de la technique qui sert à la produire».