Les «scènes d’animaux» appartiennent aux grands services de Sèvres qui ont fait la réputation de la manufacture dans la première moitié du XIXe siècle. Un présent royal.
Singes, lion, crocodile, porcs-épics, tortues, kangourous, ours polaires ou autruches… C’est toute une ménagerie qui peuple les centres des assiettes de ce service de Sèvres de la monarchie de Juillet, bien nommé «scènes d’animaux». Au nombre de soixante-quinze, elles font le tour de tous les continents pour en présenter les espèces dans une démarche encyclopédique, de l’exotique ornithorynque au chien domestique. La délicatesse d’exécution se double d’une petite leçon d’histoire naturelle, chaque sujet étant annoté d’une description succincte. Ainsi apprend-on que nos charmants marsupiaux au fin museau, dont les yeux immenses témoignent du mode de vie nocturne, sont du genre «Phalanger tacheté» – Cuscus amboinensis selon la terminologie de Lacépède –, vivant sur l’île de « Waigiou », aujourd’hui connue sous le nom de Waigeo, en Papouasie occidentale. La science n’excluant pas l’art, ils sont figurés dans une attitude de jeu, tandis que les perroquets posent près d’une coupe de fruits, sur fond de jet d’eau, ou que des gerboises s’intéressent à un buisson tout aussi naturaliste, poussant non loin des pyramides d’Égypte. Si les illustrations ayant servi de modèles n’ont pas été retrouvées, on sait qu’elles furent peintes par Jean-Charles Develly, l’un des plus célèbres artistes de Sèvres, entré en 1813 au service de la manufacture. «Il suffit qu’elle fasse du bruit en Europe par ses produits de luxe, par ses grandes pièces, pour que sa réputation s’attache à toute la porcelaine française», affirmait Alexandre Brongniart, nommé à sa tête en 1800. Réorganisanta fabrication et investissant dans la recherche, il a relevé ce défi en redorant le blason de la fabrique, durement éprouvée par la Révolution. Grâce au perfectionnement de la pâte dure et à l’élargissement de la palette de couleurs vitrifiables, la porcelaine de Sèvres rivalise alors de précision avec la peinture de chevalet. Entre 1815 et 1850, le succès est au rendez-vous pour ses services thématiques qui font la part belle aux compositions. Ce modèle à décor d’animaux a ainsi été livré au baron Pasquier par ordre de Louis-Philippe, en 1843. Outre les assiettes, le chancelier de France a reçu des pièces de forme sans scènes peintes, mais du même fond agate unifiant ce service rehaussé d’or. Prestigieux ensemble s’il en est, il a été utilisé lors de la réception de la reine Élisabeth II au château de Sassy, en Normandie, en 1967. À l’exception d’un palmier de corbeille, il est parvenu jusqu’à nous dans sa composition d’origine.