Son visage reprend les couleurs du drapeau à la croix gammée, tandis que le corbeau à ses côtés tourne en dérision l’aigle du IIIe Reich. Cet épouvantail, posté dans un champ fertile, pourrait constituer un portrait à charge d’Adolf Hitler. Nous sommes en 1933, l’année même où le Führer accède à la chancellerie. Celle aussi qui contraint la plupart des artistes considérés comme «dégénérés» à fuir l’Allemagne. Werner Scholz, remisé dans cette catégorie, ne part pourtant s’exiler dans le Tyrol qu’en 1939, deux ans après que deux de ses toiles ont figuré dans la tristement célèbre «exposition d’art dégénéré», à Munich. S’inscrivant, aux côtés de George Grosz, Otto Dix et Max Beckmann, dans la seconde génération des expressionnistes allemands, Scholz s’attache à illustrer la vie citadine du Berlin de l’entre-deux-guerres. Avec de puissants gestes et des couleurs mates et telluriques, il décrit la misère de la petite bourgeoisie locale et la montée du nazisme. Dans le mensuel autrichien Tagebuch, il incite en janvier 1931 à répondre à la fureur nazie par un «travail énergique», en portant le combat dans les rues par tous les moyens culturels à disposition. Son engagement trouvait encore un écho dans les années 1970, notamment auprès de Jacques et Micheline Fricker, galeristes installés depuis 1954 boulevard Haussmann, des soutiens de Carel Willink, figure du réalisme magique, de l’expressionniste Jawlensky ou encore du peintre abstrait Jun Dobashi. C’est dans leur galerie que L’Épouvantail est acquis par son actuel propriétaire, quatre ans avant l’exposition qui y sera consacrée à Scholz, en 1973.