Vingt-six printemps déjà, et le Salon du dessin n’a pas pris une ride… Cela tombe bien, elles ne conviendraient pas à son support délicat ! Petit aperçu d’un événement où les contemporains ont toute leur place aux côtés des anciens.
Jamais «tout à fait le même, ni tout à fait un autre», le Salon du dessin, en tissant au fil des années une spécificité bien à lui, a donné vie aux vers de Verlaine et est devenu unique. Car il a ce petit supplément qui fait déplacer les collectionneurs du monde entier et les conservateurs des plus grandes institutions internationales, ce je-ne-sais-quoi qui le différencie de tous les autres. Cette force réside dans une équipe de direction investie elle en tient les rênes depuis l’origine, maintenant une vraie exigence de qualité avec un socle de galeries présentes à chaque édition, tout en s’ouvrant annuellement à quelques nouveaux participants triés sur le volet. La part du contemporain y est de plus en plus belle, sans toutefois devenir envahissante et risquer de faire perdre l’âme originelle. Cette 26e édition invite à partir à la découverte de son carnet.
Présentation en quelques traits de crayon
De feuille en feuille, cette nouvelle édition nous entraîne dans un voyage à travers l’infinie variété de sujets que le médium prospecte. À une rare Vue de New York, une mine de plomb de 1930 par Bernard Boutet de Monvel (1881-1949) présentée chez Terrades, répond une promenade à Rome dans Les Jardins Farnèse sur le mont Palatin crayon, plume, encre et aquarelle rehaussée de gouache accrochée chez Didier Aaron & cie. Au Cavalier, à la pierre noire et sanguine, de Federico Zuccaro (1541-1609), une trouvaille de la galerie Artur Ramón Art de Barcelone, répond une Académie d’homme à la pierre noire et sanguine du Cavalier d’Arpin (1568-1640) montrée sur les murs de la galerie Marty de Cambiaire. Elles illustrent le talent de deux artistes à cheval sur les XVIe et XVIIe siècles, tous deux représentants du maniérisme italien et qui connaîtront une renommée éclatante, le premier après la mort du Titien, le second en devenant le peintre officiel des papes, de Grégoire XIII à Clément VIII. Plus loin, chez Art Cuéllar Nathan, un jeune homme en buste, vu de trois quarts et croqué par Jean-Antoine Watteau (1684-1721), penche la tête vers la droite, peut-être pour éviter de croiser le regard de celui portant un masque grotesque. Ce dernier, un tout petit format (11 x 7,2 cm) dû à la plume du Parmesan (1503-1540), sera certainement l’une des images les plus saisissantes de l’édition 2017. Présenté chez Jean-Luc Baroni Ltd ce qui ne surprendra pas , il y côtoiera une œuvre attendue comme l’un des temps forts, la Tête d’un vieillard barbu à la pierre noire et estompe de Hans Baldung Grien (1484/5-1545). La finesse du trait n’a rien à envier à celle de la psychologie du modèle. Ce peintre allemand, réputé pour avoir été le meilleur élève d’Albrecht Dürer, a développé un art sensible aux orientations intellectuelles de l’humanisme et de la Réforme.
Une main tendue
L’organisation, depuis l’origine, de nombreuses initiatives a contribué à la vulgarisation de la connaissance du dessin. Cette fois-ci encore, les amateurs ne seront pas déçus par le programme. «De David à Delacroix» est le thème annoncé des XIIe Rencontres internationales, le colloque scientifique réunissant d’éminents spécialistes. Ce choix fait écho à l’exposition muséale autour des études préparatoires réalisées par Girodet pour sa fameuse Scène de déluge (Salon de 1806, Paris, musée du Louvre). Une résonance toute particulière dix mois après les inondations catastrophiques subies par les réserves du musée Girodet de Montargis ayant eu pour conséquence l’immersion de 1 200 dessins durant trois jours… Ce Salon tend la main à l’image de celle dessinée par Battista Franco (1498-1579, galerie de Bayser) et lance une campagne de mécénat participatif afin de contribuer au financement de la restauration de ces œuvres.
En chemin vers le XXIe siècle
Cette édition verra aussi la 10e remise du prix de la Fondation d’art contemporain Daniel et Florence Guerlain. Un anniversaire spécial qui sera marqué par une exposition exceptionnelle, au Centre Pompidou, des 30 artistes distingués par ce prix depuis sa création (trois nominés, un nommé chaque année), entre le 14 juin et le 30 septembre prochain. Les représentants du tournant du XXIe siècle seront dispersés tout au long des allées. Voici quelques-unes de leurs feuilles fraîches. Città, un crayon de 1989 de Zoran Music (1909-2005, Ditesheim & Maffei Fine Art), Sans titre, une encre de 2000 de Zao Wou-ki (1920-2013) proposée chez Aktis. Iana Kobeleva, la créatrice, d’origine russe, de cette galerie installée au cœur de Mayfair, à Londres, laisse échapper son tempérament slave en s’écriant : «Ce salon, c’est le hub des passionnés de dessins du monde entier !» La Chine contemporaine s’invite avec Goya Impression, un pinceau et aquarelle de 2010 de Mao Yan (né en 1968), l’un des poulains de l’empire du Milieu défendus par Hadrien de Montferrand (voir interview page de droite). Le mathématicien de la Renaissance Pierre de Fermat a démontré que le nombre 26 était unique, car situé entre un nombre carré, 25, et un nombre cubique, 27 une conjonction qui ne se reproduira plus. Avec les nombreuses pépites à elle réservées et loin d’avoir ici été toutes signalées, cette 26e édition s’annonce en effet unique. Finalement une habitude pour le Salon du dessin !