Une statue équestre devrait prochainement galvaniser les passionnés de la saga napoléonienne. Salves d’honneur à prévoir pour une pièce rarissime...
Carlo Marochetti (1805-1867), Napoléon Ier à cheval en costume militaire, épreuve en bronze à patine brune, milieu du XIXe siècle, signé sur la terrasse, fonte de Louis-Auguste Asse, h. 46, l. 42 cm.
S’évadant de l’île d’Elbe, Napoléon Ier débarquait il y a deux cents ans à Vallauris et entamait sa reconquête de la France, période connue sous le nom des Cent-Jours. Au moment où des manifestations célèbrent le bicentenaire du retour de l’Aigle, ce bronze de très grande qualité a simplement été découvert lors d’un inventaire. Resté dans la descendance d’une famille blésoise, il témoigne d’une statue qui aurait dû être érigée sur l’esplanade des Invalides. Louis-Philippe Ier, désireux d’être le roi de tous les Français, s’attacha à réconcilier les diverses sensibilités nationales. Conseillé par Adolphe Thiers, il fait ramener en 1840 les cendres de Napoléon Ier, laissées à Sainte-Hélène. Tout en flattant les sentiments bonapartistes du peuple, il réalise aussi les dernières volontés de l’Empereur : «Je désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple Français que j’ai tant aimé». Après des cérémonies prestigieuses, les restes de Napoléon reposeront désormais dans un monument fastueux, élevé au milieu du dôme des Invalides. Percevant le début d’un engouement pour ce qui va devenir le mythe napoléonien, Louis-Philippe souhaite compléter le cénotaphe impérial d’une statue grandiose, mesurant près de cinq mètres. Carlo Marochetti remporte le concours. Après avoir collaboré au décor de l’Arc de Triomphe, cet artiste d’origine turinoise sculpte L’Apothéose de sainte Madeleine pour l’autel de l’église éponyme, puis réalise, en 1838, une impressionnante statue équestre d’Emmanuel-Philibert de Savoie, qui établit sa notoriété. Le public a pu la contempler durant deux mois dans la cour du Louvre avant son départ pour Turin, où elle est édifiée au centre de la Piazza San Carlo. Deux ans plus tard, Carlo Marochetti présente donc au roi deux esquisses préparatoires, reprenant l’archétype romain du fameux Marc Aurèle sur le Capitole. L’une, conservée au Walters Art Museum à Baltimore et longtemps attribuée à Barye, montre Napoléon Ier glorifié en généralissime romain. La seconde version, à laquelle fait référence notre bronze, représente l’Empereur portant l’uniforme de colonel des chasseurs à cheval de la Garde impériale. Elle s’inspire de la statuette équestre qu’a faite, en 1810, le Viennois Steiger à l’occasion du mariage avec l’archiduchesse Marie-Louise. Figuré en cavalier majestueux, Napoléon apparaît bien droit. Coiffé de son célèbre bicorne, il tient les rênes des deux mains pour mieux contrôler l’allure de l’animal. Le tapis de la selle brodé, entourée de crépines, exhibe encore fièrement le «N» impérial. Le bronze, alliant grâce et grandeur, se singularise par la finesse de son exécution et par la noblesse de ses lignes. Altier, superbe et triomphant, le groupe équestre véhicule sans conteste la bravoure et l’action qu’incarne Bonaparte devenant un héros pour les romantiques. Elle illustre aussi le classicisme subtil de Carlo Marochetti : un sens réel du mouvement anime le portrait impérial, travaillé avec beaucoup d’aisance. Malheureusement, la statue n’a pu être accomplie faute de moyens financiers... et sa réalisation sera définitivement abandonnée après la révolution de 1848.