Le directeur des musées et domaines nationaux des châteaux de Compiègne et de Blérancourt fait sortir l’établissement de ses réserves.
Vous êtes à la tête de l’établissement de Compiègne depuis cinq ans. Quelles priorités avez-vous définies ?
Une priorité très nette : le musée de la Voiture (voir l'article Le musée national de la Voiture de Compiègne en quête d'avenir de la Gazette n° 10 du 11 mars 2022), car il permet d’attirer un public familial et de l’amener vers le château et les réalités plus complexes de l’histoire de France, de l’Ancien Régime au second Empire. J’ai d’abord rouvert la cour des cuisines, qui était fermée depuis plus de vingt ans, puis le musée de l’Impératrice, fermé depuis sept ans. Cela va être également le cas pour la salle Barye Couture, où figure le chef-d’œuvre inachevé de Thomas Couture, Le Baptême du prince impérial. Même chose, en 2023 ou 2024, pour les espaces anciennement connus sous le nom de salles Coypel, où nous allons présenter nos collections de peinture. Il nous faut aussi de nouvelles salles pour exposer certaines pièces de mobilier qui ne figurent dans aucun des états historiques du château. Elles vont permettre de faire revivre les collections en sortant des œuvres de nos réserves, qui contiennent l’équivalent d’un musée en région.
Par quels autres biais entendez-vous mettre en valeur et dynamiser vos collections ?
Il faut faire savoir au public que s’il n’a pas visité Compiègne ou Blérancourt depuis six mois ou un an, il va toujours trouver quelque chose de neuf en y revenant, grâce à la richesse de notre fonds. Cela se manifeste aussi bien avec la présentation tournante d’œuvres de nos réserves dans la galerie de bal, sous la forme de la série d’expositions « Les collections cachées du château de Compiègne », qu’avec le renouvellement de la présentation de la cour des cuisines : quatre nouvelles voitures y seront montrées chaque année. Faire tourner les collections est une façon de surprendre les visiteurs, et de susciter l’attrait de la nouveauté. Cette année, avec l’anniversaire de la mort de Napoléon III, un parcours spécial va être créé. Nous allons changer l’accrochage du musée du second Empire et du musée de l’Impératrice, en introduisant des œuvres des réserves mettant l’accent sur l’Empereur.
Qu’en est-il des grandes expositions ?
Nous avons un budget tous les deux ans pour les grandes expositions coproduites avec la RMN-GP. La prochaine, de décembre 2023 jusqu’au printemps 2024, sera sur Prosper Mérimée. Nous avons en effet un fonds Mérimée qui s’est enrichi avec des acquisitions d’éditions originales, de dessins, de lettres… Cette présentation rendra compte de tous les aspects de la vie et de l’œuvre de cet homme aux facettes multiples : l’écrivain, créateur de grands mythes littéraires comme celui de Carmen, l’inspecteur des Monuments historiques, le critique d’art et le courtisan, un homme proche de la famille impériale et sénateur. Elle se tiendra dans les appartements où il est très souvent venu. La légende veut d’ailleurs que sa fameuse dictée ait eu lieu à Compiègne.
Et concernant les bâtiments et le parc ?
La rénovation complète du musée de la Voiture, avec la restitution de son état de 1927, est une chose qui me tient beaucoup à cœur. Je tiens à ce qu’on le rénove en gardant son esprit : le musée lui-même est son premier objet, et c’est le premier consacré à la locomotion ouvert au monde. Nous allons entreprendre des travaux sur le petit théâtre Louis-Philippe, qui est dans un état de conservation assez alarmant. Il n’est ouvert que pour les Journées du patrimoine, et l’idée est de le restaurer un jour pour le rendre accessible à la visite. La restauration du plafond de la bibliothèque de l’Empereur, peint par Girodet, va commencer en début d’année, et des travaux de sauvegarde des soutènements du salon des fleurs vont être entrepris. Le parc, pour lequel nous avons les plans de Louis-Martin Berthault, fait pour moi également partie du musée. Il y a un effort à faire pour restituer le plus possible ses essences, telles qu’elles étaient sous le premier ou le second Empire. Nous avons également la problématique de la statuaire, qui n’a jamais fait l’objet d’une restauration. Certaines sculptures seraient à mettre à l’abri et à remplacer par des moulages. Le parc doit être traité comme s’il s’agissait d’une partie du monument.
Qu’en est-il du château de Blérancourt ?
Il y a un déficit de notoriété du château, accessible uniquement en voiture, et dont le musée franco-américain correspond à un segment très précis. Comme à Compiègne, nous présentons régulièrement des expositions à partir de notre propre fonds de tableaux, d’estampes et de dessins, à l’image de celle sur la peinture américaine prolongée jusqu’en avril. Tout en gardant la partie historique, nous préparons un réaccrochage complet des collections de la partie beaux-arts pour le printemps, à partir de nos réserves, mais également de prêts, voire de dépôts du musée d’Orsay, axés sur le symbolisme. C’est un point fort de nos collections. Une partie des peintures américaines en réserve à Orsay prend tout son sens chez nous. Cette politique consistant à sortir les œuvres des réserves a permis une hausse de fréquentation de l’ordre de 15 % par an. Avec les deux châteaux de Compiègne et Blérancourt, nous avons un grand établissement au très fort potentiel.