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Retour sur les pratiques folkloriques, pourtant encadrées par le droit

Publié le , par Fabien Bouglé

Folle enchère, révision, bourrage. Désormais appelée « réitération des enchères »

  Retour sur les pratiques folkloriques, pourtant encadrées par le droit
 

Par folle enchère, on entend le fait pour un adjudicataire d’avoir acquis un bien qu’il ne souhaitait pas acheter (ce distrait s’étant trompé de lot) ou qu’il ne pouvait pas payer (l’impétueux se sera laissé emporter par les enchères). Le bien peut alors être remis en vente, le fol enchérisseur devant acquitter la différence entre le prix pour lequel il s’était porté acquéreur et le prix définitivement obtenu lors de la remise en vente. Comme le prévoit l’article L321-14 du Code de commerce, c’est au vendeur de demander la remise en vente ; si ce dernier ne formule pas cette demande dans un délai d’un mois à compter de l’adjudication, la vente est résolue de plein droit, sans préjudice de dommages et intérêts dus par l’adjudicataire défaillant.

Haro sur les réviseurs !
Autre pratique - véritable tradition des fonds de salle -, la révision consiste pour un groupe d’acheteurs intéressés par les mêmes objets à ne pas surenchérir sur un membre du groupe. Un seul réalise l’acquisition du bien au prix de la dernière enchère. Une fois le lot adjugé, le groupe se réunit (plus ou moins confidentiellement) et les "enchères" reprennent. L’acheteur ayant finalement prononcé le prix maximum lors de cette "révise" s’acquitte du prix d’adjudication auprès du commissaire-priseur... et remet la différence au groupe, qui se partage la somme à parts égales. Cette technique revient donc à atténuer le prix de vente au détriment du vendeur, lequel ne perçoit pas l’intégralité du prix qu’il pouvait légitimement escompter. C’est pourquoi le droit pénal français a prévu de lourdes sanctions à l’encontre des "réviseurs". En effet, l’article 313-6 du code pénal prévoit : "Le fait, dans une adjudication publique, par dons, promesses, ententes ou tout autre moyen frauduleux, d’écarter un enchérisseur ou de limiter les enchères ou les soumissions, est puni de six mois d’emprisonnement et de 22 500 € d’amende. Est puni des mêmes peines le fait d’accepter de tels dons ou promesses [...] Le fait de procéder ou de participer, après une adjudication publique, à une remise aux enchères sans le concours de l’officier ministériel compétent ou d’une société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques agréée." Le bien nommé " bourrage" est une technique qui consiste pour le commissaire-priseur à gonfler artificiellement les enchères afin d’atteindre un prix raisonnable pour le vendeur, obtenir un montant d’adjudication au moins égal au prix de réserve. Cette pratique a donc pour objectif de protéger le vendeur.
Ces enchères fictives, si elles sont parfois contestées, pour porter atteinte au droit des acquéreurs, permettent également de contrer la pratique illégale de la révision, régulièrement exercée. La jurisprudence a d’ailleurs autorisé la pratique du bourrage. À l’occasion d’un procès concernant la vente d’une oeuvre de Max Ernst, le jugement a retenu que le commissaire-priseur "qui a implicitement reconnu avoir recours à des tiers connus pour animer les enchères, était, vis-à-vis des acquéreurs, libre d’adopter l’attitude la plus conforme aux intérêts de son client, et de déterminer conformément à son mandat si les enchères étaient suffisantes".
On le voit, la loi et la jurisprudence considèrent ces usages très anciens avec une certaine clémence, sans oublier toutefois d’en limiter les abus.

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