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Restitutions : le rapport Martinez dresse un état des lieux

Publié le , par Vincent Noce

Jean-Luc Martinez a remis à Emmanuel Macron un rapport de 85 pages pour encadrer les restitutions des biens de collections publiques.

L’hémicycle du Sénat, palais du Luxembourg. PHOTO (C) RMN-GRAND PALAIS / J. BOUL... Restitutions : le rapport Martinez dresse un état des lieux
L’hémicycle du Sénat, palais du Luxembourg.
PHOTO (C) RMN-GRAND PALAIS / J. BOULAS

L’étude extrêmement fouillée sur les restitutions rédigée par Jean-Luc Martinez pourrait mettre un terme à des années de crispations et de confusion sur ce dossier sensible. La ministre de la Culture avait déjà fait sienne la proposition de formuler trois lois-cadres différentes, pour les biens culturels spoliés par les nazis, les œuvres arrivées des colonies et les restes humains. Une proposition de loi sur ce dernier sujet, adoptée en première lecture par le Sénat il y a un an et demi, attend son passage à la chambre. Jean-Luc Martinez suggère d’autoriser la remise des dépouilles de personnes décédées depuis 1500, dont les conditions d’acquisition ou de conservation se sont affranchies du respect de la dignité humaine. Un projet de loi sur la spoliation nazie doit être débattu en procédure d’urgence au Sénat le 23 mai. Après avis favorable de la CIVS (Commission d’indemnisation des victimes de spoliations), la sortie des œuvres des collections serait facilitée, sans avoir à passer à chaque fois par le processus parlementaire d’une loi spéciale. Le sujet le plus sensible est celui du retour de biens issus des anciennes colonies. Jean-Luc Martinez réaffirme dès l’abord le caractère inaliénable des collections publiques. Il pose comme préalable aux demandes de restitution qu’elles émanent d’un État, qui s’engage à protéger et exposer les œuvres. En ceci, il se démarque du rapport Savoy-Sarr, qui préconisait un retour inconditionnel du patrimoine africain. Insistant sur le pragmatisme de ses propositions, l’ancien président du Louvre considère que les requêtes doivent s’inscrire dans le cadre de la législation à l’époque du transfert des œuvres. Deux critères lui semblent justifier un rapatriement : l’illégalité et l’illégitimité.

Un projet de loi sur la spoliation nazie doit être débattu en procédure d’urgence au Sénat le 23 mai.

Si le bien revendiqué aurait dû être rendu au vaincu au titre des lois de la guerre, tel le Coran d’Abd el-Kader, sa rétention par l’État français n’est pas légitime. S’il a été donné à un musée par un officier ou un administrateur qui s’en était saisi, elle est même illégale, car le donateur n’avait pas le droit de s’approprier un butin à titre personnel. C’est le cas des objets royaux restitués au Bénin, qui avaient été donnés au musée de l’Homme par le colonel Dodds, de retour de l’expédition au Dahomey. Jean-Luc Martinez suggère d’étendre ce dispositif à toute l’aire des empires occidentaux, sans le limiter aux possessions françaises ou au continent africain. Il propose de confier à des commissions scientifiques bilatérales le soin de présider aux recherches et de donner un avis, la décision revenant au Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative. Il recommande que la France établisse des accords intergouvernementaux de restitution qui ne prennent pas seulement en compte le principe du retour des œuvres, mais l’ensemble du dispositif d’accompagnement. Enfin, notant le grand désordre dans lequel se déroule le processus de restitutions à travers le monde, il recommande de trouver la voie d’une réponse harmonisée à l’échelle européenne et d’envisager une déclaration de principe commune avec les nations africaines, ainsi que la création d’un fonds permettant de valoriser le patrimoine africain. En dehors de ces stricts critères, le rapport propose d’accorder une place à des demandes de rapatriement «d’œuvres symboliques» en créant un concept de «patrimoine partagé», déjà défendu par Claire Chastanier, du service des Musées de France. Une loi-cadre pourrait ainsi permettre d’associer les partenaires étrangers à la conservation et au mouvement des œuvres, sans pour autant toucher à la question de la propriété. Une idée qui ne plaira guère aux plus radicaux d’un camp ou de l’autre.

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