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Restitutions : silence dans les rangs

Publié le , par Vincent Noce

Cela fait quatre semaines que le rapport sur «les restitutions à l’Afrique» est connu, et le ministère de la Culture se montre toujours aussi évanescent. Pas une voix ne s’est élevée pour prendre la défense des musées, dont l’action est récusée par un programme qui repose exclusivement sur des mécanismes au sommet. Franck...

  Restitutions : silence dans les rangs
 
© Wikipédia

Cela fait quatre semaines que le rapport sur «les restitutions à l’Afrique» est connu, et le ministère de la Culture se montre toujours aussi évanescent. Pas une voix ne s’est élevée pour prendre la défense des musées, dont l’action est récusée par un programme qui repose exclusivement sur des mécanismes au sommet. Franck Riester s’est certes exprimé dans le Journal du dimanche, à l’occasion d’un rapide tour d’horizon des écueils trouvés à son arrivée au ministère. Il a plaidé pour la «circulation» des œuvres, de préférence à la «restitution». C’était bien le minimum. Et du minimum, il s’en est contenté, pour le moment du moins  ce qui ne laisse pas d’inquiéter quant aux chances qui demeurent de redresser la situation impossible créée par l’incurie de l’État. Comme, dans le même temps, le nouveau ministre semble retrouver quelque attrait à la folie douce du «pass culture jeune», on peut craindre que, à son tour, il ne tombe dans les travers de ce cortège fasciné par la personnalité d’Emmanuel Macron  et incapable de mettre en musique le programme du quinquennat, quitte à corriger le tir quand la nécessité s’en ressent. Car tous les ingrédients sont réunis pour aboutir à un fiasco. Le rapport a fait naître un grand espoir au sud du Sahara : plutôt qu’un transfert de propriété, il suggère que les collections africaines appartiennent de facto aux États-nations spoliés par la colonisation. La France n’a plus qu’à en prendre acte, au nom d’un impératif catégorique dicté par la morale. Si, désormais, elle temporise ou donne le sentiment de revenir en arrière, la réaction peut être à la mesure de la déception. Si la Conférence euro-africaine au printemps est organisée autour des représentants de gouvernements, au mieux, elle tournera aux lénifiantes séances qui ont suffoqué l’Unesco, au pire, à l’affrontement idéologique entre anciens colonisés et les encore-colons  puisque le rapport estime que les tenants du patrimoine en Europe n’ont pas encore entamé leur «décolonisation» des esprits. Au contraire, si ces derniers, africains comme européens, étaient placés au cœur du processus, demeure une chance d’en voir émerger des propositions constructives. En attendant la reformation d’un ministère en ruine, qu’attendent les établissements pour ouvrir cette réflexion ? Après tout, le quai Branly, le Louvre, Guimet, le château de Fontainebleau, le musée de l’Homme, les instituts de recherche, sont les premiers concernés. N’ont-ils rien à dire ? Leur est-il proscrit de penser ? Nous avons ainsi gardé un vif souvenir de la mésaventure survenue à Françoise Cachin et Michel Laclotte quand ils ont exprimé leur opposition, ou leur réserve, à l’égard du projet du Louvre Abu Dhabi. Le ministre d’alors et la directrice des musées de France les ont exclus de toutes les instances consultatives.

Musées et instituts de recherche sont les premiers concernés. N’ont-ils rien à dire? Leur est-il proscrit de penser?

Ce geste honteux a profondément blessé ces grandes personnalités de l’histoire de nos musées. Aujourd’hui, dans une atmosphère tout aussi échauffée, le même ostracisme semble viser Lionel Zinsou. Des appels circulent en faveur de son départ de la présidence des amis du quai Branly, au motif que lui et sa fille en fomenteraient le démantèlement. En réalité, celui-ci a clairement exprimé sa préférence pour l’expression d’«accessibilité» au patrimoine «plutôt qu’une restitution pure et simple». Ce n’est pas cette figure intellectuelle qui serait exclue, c’est le principe même d’un débat. Une telle issue ne pourrait qu’aviver les craintes que ce rapport  et l’absence de maîtrise qu’il trahit de la part de l’exécutif  n’attise les incompréhensions et les divisions, au lieu de réunir les bonnes volontés. 

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