Qui est Moï Ver ? C’est l’enjeu de cette première rétrospective en France rassemblant trois cents œuvres et documents originaux issus de ses archives, de collections privées européennes et du Centre Pompidou. À la fois photographe, graphiste et peintre, le Lituanien Moshe Vorobeichic (1904-1995) a adopté plusieurs noms d’emprunt, dont celui-ci, tout comme il eut différentes «périodes», que souligne un parcours en six chapitres à la fois chronologiques et thématiques. Ses premières images révèlent un reporter tout en empathie pour ses semblables, dans les rues du quartier juif de Vilnius, avant que ne s’opère une bascule vers l’esthétique d’avant-garde. C’est la partie la plus intéressante de l’exposition : elle redonne à Moï Ver la place qu’il mérite, dans ces années 1930 où l’expérimentation est reine. Les commissaires Julie Jones, du Centre Pompidou, et Karolina Ziebinska-Lewandowska, directrice du Musée de Varsovie, en font la démonstration avec la présentation de nombreux tirages déclinant son savoir-faire : double exposition, décadrage, montage alliant négatif et positif… Mais aussi et surtout grâce à deux livres clés, dont les maquettes originales sont ici montrées dans leur intégralité. Les cent dix images de Ci-contre, acquis par le musée national d’Art moderne en 2019, justifient à elles seules la visite. Le parcours se poursuit avec un Moï Ver inattendu, mettant son talent photographique au service de la propagande israélienne en Palestine sous mandat britannique (de 1932 à 1950). Le vis-à-vis de ses photos de travailleurs agricoles dans les kibboutzim et des affiches créées à partir de ces vues est éloquent. Le suspense se poursuit jusqu’au bout avec une partie présentant des peintures, discipline à laquelle l’artiste s’est consacré les quarante dernières années de sa vie.