Longtemps oublié, Franz Sedlacek est pourtant une figure phare de la scène artistique autrichienne de l’entre-deux-guerres. Redécouvert dans les années 1970, ce chimiste de formation teinte l’ordinaire d’irrationnel.
Présenté dans l’exposition de printemps de la Sécession viennoise en 1933 – groupe que Franz Sedlacek a rejoint cinq ans plus tôt –, ce Paysage d’hiver avec une tour, sous un ciel sombre, est un bon exemple du mystère qui se conjugue à la nuit chez le peintre autrichien, moment magique et surréaliste hantant ses œuvres. Ce dernier a principalement peint des compositions botaniques et des scènes d’hiver avec skieurs. Son langage puise directement aux sources du romantisme, de Caspar David Friedrich notamment, et de la peinture flamande de Joachim Patinier, Joss de Momper, Pieter Bruegel l’Ancien et Michael Wutky – autant de références indiscutées. Quant à l’ambiance fantastique, teintée de lugubre, elle rappelle Alfred Kubin et Edgar Allan Poe. Au début des années 1930, Franz Sedlacek se lance dans une série de quatre paysages d’hiver. Trois de ces scènes se trouvent dans des collections publiques de son pays natal : l’Albertina Museum et le Léopold Museum de Vienne mais encore à la Banque nationale autrichienne. La quatrième, le présent tableau, est un temps considérée comme perdue, à l’image de son auteur porté disparu pendant la Seconde Guerre mondiale. Si le sort de Sedlacek n’a jamais été élucidé, l’œuvre, elle, est réapparue dans une collection privée hongroise. Lorsque le peintre s’empare de l’huile, il peint selon la technique du glacis des maîtres anciens. Ses mondes oniriques, où évoluent des créatures grotesques dans des décors urbains contemporains, crée un profond sentiment d’étrangeté. Certains adultes marchent ici paisiblement, d’autres, accompagnés d’enfants, entament une bataille de boules de neige. Mais derrière une scène d’apparence joyeuse, la tour semble présager quelque chose de sombre, une menace venue des montagnes blanches et lointaines. C’est ce mystère vertigineux qui captive le spectateur et le fait contempler, derrière un banal paysage d’hiver, la condition humaine.