Exigeante et ambitieuse, la foire d’art contemporain Arco Madrid se voit récompensée d’une excellente réputation, que cette 36e édition ne devrait pas démentir.
Pourquoi faire le voyage jusqu’en Espagne, au cœur de l’hiver, alors qu’il suffit de patienter quelques mois pour trouver à Art Basel les plus grandes galeries internationales dans une ambiance printanière, de surcroît ? En dépit d’une offre passablement saturée, Arco Madrid compte bien attirer à elle les collectionneurs du monde entier à l’occasion de sa 36e édition, organisée du 22 au 26 février. «Sachant qu’aujourd’hui, une foire est inaugurée presque toutes les deux semaines, explique le directeur d’Arco, Carlos Urroz, on se doit de faire la différence sinon personne ne prendra l’avion pour venir jusqu’à nous.» Sa spécificité, Arco la peaufine grâce à sa sélection de galeries deux cents cette année, des noms que l’on ne croise pas forcément à Bâle, Miami ou New York et son identité latine : «Même si cela peut sembler évident, il n’est pas inutile de rappeler que Madrid reste un pont entre l’Europe et l’Amérique du Sud.» On y trouve par conséquent un grand nombre d’artistes hispanophones. Depuis 2011, soit l’année où Carlos Urroz est nommé à la tête d’Arco, le tropisme latino-américain domine la géopolitique de la foire. Preuve en sont les focus dédiés à un pays invité : en 2015, la Colombie, cette année l’Argentine avec douze galeries portègnes triées sur le volet par la curatrice Inés Katzenstein ; on retient notamment les paysages abstraits du dessinateur Eduardo Stupía, présentés par La Galería Jorge Mara, et les «écritures illisibles» de Mirtha Dermisache, chez Henrique Faria Buenos Aires. Signe d’une certaine bravoure car cela implique toujours un risque commercial , un tiers des stands proposeront des solo shows (Tomás Saraceno, Ignasi Aballí ou José María Sicilia…) et des duo shows. Ces derniers génèrent parfois des dialogues surprenants, par exemple chez Marc Straus Gallery (NY) entre les œuvres de l’actionniste viennois controversé Hermann Nitsch et le jeune artiste minimal coréen, Jong Oh. De quoi susciter l’intérêt des chasseurs de têtes, attendus en nombre. «Arco est un incroyable point de rencontre. Aucune autre foire ne peut se vanter de recevoir un contingent aussi important de directeurs de musée et de critiques d’art», martèle Carlos Urroz. Il est vrai que l’Espagnole bénéficie d’une excellente réputation dans le petit milieu des institutions. On vient y faire des découvertes, traquer l’émergence chez les grosses enseignes (Hauser & Wirth, Chantal Crousel) comme chez les primo-arrivants, tels García Galería, Ethall et L21. Les visi-teurs viennent de l’ouest, mais aussi de l’est. «Les pays aux économies émergentes comme le Brésil, la Russie ou l’Inde s’intéressent de façon croissante à l’art contemporain, et une part de notre travail consiste justement à chercher de nouveaux publics», rappelle Carlos Urroz. Quant aux collectionneurs chinois, leur présence serait notamment motivée par la possibilité d’acquérir sur les stands d’Arco les pièces des artistes espagnols Secundino Hernández et Néstor Sanmiguel Diest, très recherchés en Asie. Pouvant compter depuis l’année dernière sur sa bouture portugaise, Arco Lisboa (en mai prochain), la foire convoite désormais les collectionneurs des pays lusophones d’Afrique, comme l’Angola ou le Mozambique. Étiquetée «foire pointue», Arco rêve à un avenir polyglotte, sans rien vouloir sacrifier de ses exigences curatoriales. De nobles intentions que viendra éclairer, on l’espère, le fameux soleil madrilène.