Rabany au-delà des frontières de l’imaginaire

Le chef-d’œuvre d’un sabotier en bois sculpté, représentant sept artisans à chaque étape de fabrication de son produit (voir l'article Un rendez-vous avec l'art populaire), était emporté à 5 080 €. Voici une pièce emblématique de l’art populaire, celui qui, par sa variété, sa curiosité, sa simplicité apparente et son appartenance à la vie quotidienne aussi, a séduit le passionné dont cette vacation dispersait une partie de la collection. L’homme n’a eu de cesse tout au long de sa vie de le défendre, de l’exposer et de le faire comprendre. Aujourd’hui, il se sépare d’une partie de ce vaste ensemble. Enseignes et girouettes flottaient au vent, 4 700 € faisant pirouetter l’une de ces dernières en fer du XVIIIe siècle, figurant un dauphin couronné (h. 36 cm). La ferveur populaire était évoquée par des oratoires domestiques et des tableaux-reliquaires, dont l’un réalisé en coquillages de la Méditerranée, représentant la façade d’une église (76 x 58 cm) et qui obtenait 4 445 €. Des portraits émergeaient aussi des profondeurs de l’art brut, des visages marqués par l’étrangeté et l’anonymat, à l’image de ce «Barbu-Müller». L’auteur se cachant derrière ces curieuses figures a été démasqué il y a peu de temps : il s’agit d’Antoine Rabany, dit «le Zouave», militaire de carrière – d’où son surnom – retiré dans les terres de Chambon-sur-Lac, où il devint cultivateur. Bruno Montpied, historien et spécialiste de l’art autodidacte, a mené une traque dans la région des volcans d’Auvergne pour retracer le parcours de cet artiste dont le travail avait été remarqué par Dubuffet. Son corpus est des plus restreints, quarante-six statues seulement étant répertoriées. Il faut dire qu’il les réalisait l’hiver, sans jamais avoir rien appris des techniques de travail sur pierre, trois ou quatre exemplaires seulement naissant chaque année. Taillée dans une roche volcanique, cette sculpture, représentant une tête d’homme aux yeux exorbités, lui était seulement attribuée et retenait 36 830 €.