Ce dessin préparatoire témoigne de la méticulosité que l’artiste mettait à concevoir ses œuvres.
Contrairement à la plupart des autres surréalistes, qui estimaient que le hasard et les techniques automatiques exprimaient l’inconscient, Magritte planifiait ses œuvres avec une rigueur méticuleuse et les réalisait en employant toutes les compétences en trompe-l’œil dignes d’un peintre traditionnel. Le résultat donne lieu à des images étonnamment réalistes de scènes qui ne le sont évidemment pas. Comme dans nombre de ses peintures, l’artiste met à mal l’illusionnisme en jouant avec l’échelle et la perspective et en plaçant les objets dans des contextes inattendus. Ce dessin au crayon et sanguine sur papier (28,5 x 22 cm), intitulé La Légende des siècles, daté 1950 et estimé 40 000/50 000 €, comparable à la toile réalisée la même année et aujourd’hui conservée à la Scottish National Gallery of Modern Art d’Édimbourg, est tout à fait représentatif de cette manière de procéder. Magritte choisit de représenter une chaise monumentale et érodée par le temps, sur laquelle est posée une autre plus petite, en les associant à un titre sans aucun rapport avec le sujet, et qui fait ici référence au recueil de poèmes de Victor Hugo. «Les titres doivent être une protection supplémentaire qui découragerait toute tentative de réduire la poésie véritable à un jeu sans conséquence», disait-il. Le calme du décor et la solidité de la roche indiquent un paysage lointain et métaphysique, largement épargné par la présence humaine. Cette immobilité est cependant troublée par la petite chaise fabriquée par l’homme, qui implique la présence humaine tout en étant rendue inaccessible à la fois par sa position et par sa taille minuscule.