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Quand le bureau plat fait le grand écart !

Publié le , par Stéphanie Perris

Vedette des dernières ventes, ce meuble demeure un classique dont le succès – élégance et utilité combinées – tient aussi à une certaine image du pouvoir. De 7 000 à 7 M€ !

Bureau plat en placage de bois de rose, amarante, porcelaine de Sèvres, bronze doré,... Quand le bureau plat fait le grand écart !
Bureau plat en placage de bois de rose, amarante, porcelaine de Sèvres, bronze doré, estampillé Joseph Baumhauer, 76,5 x 114,5 x 58,5 cm.
Paris, Hôtel Marcel Dassault. Artcurial - Briest - Poulain - Le Fur - F. Tajan SVV. Mme de la Chevardière, M. de l’Espée, 13/12/2005.
6 874 575 € frais compris.

Dans l’histoire des ventes aux enchères, le bureau plat détient un joli palmarès. À son actif, une succession de prix record dont le dernier en date et non des moindres couronnait le bureau Louis XV estampillé Joseph Baumhauer orné de vingt-quatre plaques en porcelaine de Sèvres, soit 6,87 M€ frais compris. L’évènement se déroulait le 13 décembre 2005 à l’hôtel Dassault, à Paris, lors de la dispersion des collections Rossignol chez Artcurial. Une fin d’année en fanfare donc avec l’objet le plus cher jamais vendu en France ! Une journée plus tard et une traversée de la Manche accomplie, c’était au tour d’un autre bureau, toujours plat, exécuté vers 1710 et attribué cette fois au Roi-Soleil des ébénistes, André-Charles Boulle. Issu de la prestigieuse collection Nathan Wildenstein, ce modèle était adjugé à Londres par Christie’s 4,3 M€, un résultat sensiblement inférieur au record français. Cocorico ! Alors oui, ces dernières enchères correspondent à des meubles d’exception estampillés par les meilleurs ébénistes et arborant, qui plus est, un pedigree de choix. Le marché n’offre pas tous les jours une vitrine comparable à celle affichée en cette fin d’année 2005 – une aubaine pour le mobilier XVIIIe resté un temps au purgatoire – et un déploiement digne des plus grands musées. Mais, dans le quotidien des ventes aux enchères, le bureau plat fait aussi le bonheur des particuliers, qui peuvent s’offrir à partir de 3 000 € un modèle de style et dès 8 000 € une pièce d’époque. Des prix somme toute mesurés pour ce symbole du pouvoir. Ne dit-on pas un bureau de ministre ? À l’imitation des grands styles, certaines réalisations tardives, mais de belle facture, peuvent atteindre 10 000 €. Vous l’aurez compris, le bureau plat offre une belle brochette de prix, de 7 000 € à presque 7 M€ ! D’une manière générale, ce classique se vend bien, d’abord parce qu’il est élégant, ensuite car il reste fonctionnel. L’amateur a le choix parmi les modèles Régence, plus rares et de fait particulièrement goûtés des connaisseurs, ceux d’époque Louis XV, ondulés à souhait, et ceux, enfin, Louis XVI. Les petits modèles de ce dernier style, générés par la féminisation du mobilier à la fin du siècle, s’adaptent parfaitement aux intérieurs modernes et sont donc recherchés.

Bureau plat en placage de bois de rose et de noyer à trois tiroirs en ceinture, estampille de Roussel, époque Louis XVI, 130 x 76 x 71 cm.Paris, Eve S
Bureau plat en placage de bois de rose et de noyer à trois tiroirs en ceinture, estampille de Roussel, époque Louis XVI, 130 x 76 x 71 cm.
Paris, Eve SVV. M. Leroy, 22/12/2005.
9 800 € frais compris

Le prix de l’élégance
Historiquement, notre meuble apparaît au début du XVIIIe siècle. Héritier du bureau Mazarin, il en conserve un temps les caissons à tiroirs latéraux et une volée de deux fois quatre pieds. Ainsi, n’est-il pas rare de voir perdurer sur certains bureaux plats d’époque Régence une telle architecture. Pourtant, de cette période datent déjà les premiers archétypes, à savoir un plateau rectangulaire sur quatre pieds et dont la ceinture abrite trois tiroirs, celui du centre en retrait. Cette division tripartite sera d’ailleurs une constante, soulignée par la décoration en bronze. Ce plateau est recouvert de basane ou de maroquin, héritier de la fameuse bure du Moyen Âge qui a donné, par extension, son nom au meuble et à la pièce. Posée sur une table ou sur un coffre, cette étoffe de laine servait, selon Havard et son légendaire Dictionnaire de l’ameublement, à préserver, lors de la lecture, les parchemins et les reliures. Avec le temps et les usages, ce nom en vient à désigner le meuble lui-même. Sur les modèles Régence, ce plateau est de forme parfaitement rectangulaire. Les bronzes, omniprésents, soulignent les entrées de serrures, les mains et les chutes des pieds ornés des fameuses espagnolettes. Autre caractéristique du type Régence, un tiroir central toujours en retrait. Avec le Louis XV et le règne du rocaille, le modèle gagne en courbes. Jusque-là rigoureusement géométrique, le plateau se chantourne et avec lui la ceinture, qui reproduit volontiers sur les trois autres façades des tiroirs en trompe-l’œil. Celui du centre se met d’ailleurs au diapason et s’aligne sur les deux autres. Les pieds se cambrent, le cuir de la table se met à la couleur et les décors se font des plus variés. Le bois naturel le cède, par ordre croissant de valeur, au placage, à la marqueterie, aux laques extrêmes-orientales ou aux plaques de porcelaine pour les pièces les plus abouties.

Bureau plat en placage d’amarante, à décoration en bronze au C couronné. Époque Louis XV. Attribué à Pierre II Migeon H. 75, l. 196, P. 99 cm.Paris, A
Bureau plat en placage d’amarante, à décoration en bronze au C couronné. Époque Louis XV. Attribué à Pierre II Migeon H. 75, l. 196, P. 99 cm.
Paris, Artcurial - Briest - Poulain - Le Fur - F. Tajan SVV. 14/03/2006.
147 986 € frais compris
Bureau plat en placage d’ébène, mouluration en cuivre, bronze doré, époque Louis XVI, estampillé I. Dubois, 75 x 129,6 x 65 cm.Paris, Coutau-Bégarie S
Bureau plat en placage d’ébène, mouluration en cuivre, bronze doré, époque Louis XVI, estampillé I. Dubois, 75 x 129,6 x 65 cm.
Paris, Coutau-Bégarie SVV. M Lepic, 17/06/2005.
691 012 € frais compris


Dans cette gamme, on croise alors l’estampille de quelques maîtres de la spécialité comme Jacques Dubois, dont le musée du Louvre conserve deux très beaux spécimens. Sur le marché, les modèles se négocient généralement entre 40 000 et 200 000 €, précise l’expert Guillaume Dillée. Leur valeur dépend bien souvent de la qualité de l’ébénisterie, du décor, des bronzes et de leur richesse, mais aussi de l’élégance générale du meuble. Le raffinement n’excluant jamais le côté fonctionnel, il n’est pas rare de voir des tirettes latérales permettant d’agrandir la surface de travail. Certains sont même dotés d’un cartonnier, petite armoire posée sur le plateau offrant de multiples casiers de rangement. Au regard des amateurs, cet ajout n’est pas négligeable. Devenu fort rare, il est souvent gage de plus-value. En témoigne encore un résultat des dernières ventes millésimées 2005. Lors de la dispersion Safra à New York, le 3 novembre dernier chez Sotheby’s, un bureau Louis XVI attribué à Joseph Baumhauer et son cartonnier s’envolaient sur une enchère de 3,9 M€. Preuve aussi que les bureaux plats Louis XVI n’ont rien à envier aux modèles Louis XV. Il est vrai qu’à cette époque, la production offre aussi des bureaux plus «communs», souvent en bois d’acajou, ce qui n’exclut pas d’ailleurs une belle facture. La structure ne change pas, hormis quelques réminiscences anciennes avec les caissons latéraux. La silhouette, elle, s’affine, se gaine même... Les pieds se font droits, cannelés, et les tirettes plus nombreuses. Comptez 8 000/10 000 € le modèle à caissons, 20 000/40 000 € celui à rang de trois tiroirs et tirettes, observe notre expert. Mais les pièces exceptionnelles appartiennent aussi à ce règne et des pointures comme Adam Weisweiler, Jean-François Leleu ou René Dubois font jeu égal avec leurs prédécesseurs. La vente en novembre 2000 à Paris d’un bureau en placage d’ébène de Dubois alors adjugé par la maison Pescheteau-Badin, Godeau & Leroy : 4 762 850 F, soit 780 340 € en valeur réactualisée est restée dans toutes les mémoires.

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