Interventions in situ, expositions, séances de dédicaces… La vente d’art urbain organisée le 27 juin prochain à Drouot permet de revenir sur une discipline qui fédère de multiples actions.
Drouot se remet à l’heure de l’art urbain et crée des événements autour de ventes emblématiques de «street art». Certes, la célèbre institution n’en est pas à son coup d’essai ! Souvenez-vous : le 24 octobre 2013, malgré un temps maussade, l’entrée de l’hôtel des ventes devenait en quelques heures le théâtre d’une attraction qui a attiré une foule en effervescence. Une poignée d’artistes internationalement connus armés de bombes aérosols, de pochoirs, de marqueurs élaborait en direct, devant un public ébahi, des œuvres sur les toiles adossées à la façade du bâtiment. Côte à côte, Katre, Miss.Tic, Logan Hicks, Nick Walker, Cope2, Seth, Mear One… ont créé pour le plus grand plaisir des passants. La presse se faisait l’écho de l’événement, lequel sans conteste avait fait le buzz. En partenariat avec Drouot, Marielle Digard se mobilise très régulièrement pour marquer les esprits et réveiller les mentalités ! Le 4 juin dernier, lors d’un «déjeuner sur l’herbe» (ou plutôt sur gazon...), Jordane Saget, un street artiste dont certaines œuvres sont visibles à la station Châtelet, est intervenu pour une performance tout aussi remarquée. Non, l’art urbain n’est pas, n’en déplaise à certains aigris hostiles à ce mode d’expression, qu’un art de dégénérés ! En témoigne par ailleurs la première foire parisienne Urban Art Fair, qui s’est tenue en avril dernier au Carreau du Temple, à Paris, et a remporté un franc succès. Nous sommes loin, ici, des tags d’adolescents en perte de repères, qui dans leurs inscriptions murales plus ou moins réussies n’expriment que leur mal-être.
L’art urbain ne se cache plus
Les mentalités évoluent. Le maire du 13e arrondissement de Paris, Jérôme Coumet, sensible à l’art urbain depuis longtemps, l’a bien compris, puisque désormais, avec l’accord des bailleurs, il permet à certains artistes d’investir de nombreux murs de la circonscription dont il a la charge. En résultent des fresques aussi décoratives qu’inventives. Avec la galerie Itinerrance, Jérôme Coumet a depuis plusieurs années déjà créé là un musée à ciel ouvert dédié à l’art urbain. Et ce n’est pas le seul quartier mis en couleurs, d’autres chantiers ont éclos dans le 11e ou le 20e, mais aussi à Vitry-sur-Seine… Rappelons que la galerie créée par Medhi Ben Cheikh, à l’origine de la Tour 13 et de Djerbahood entre autres, participe activement à une meilleure connaissance, voire compréhension, de l’art urbain. Courant juin, elle ouvre un second espace de 500 m2, dans lequel elle invite des talents ayant transposé leur art de la rue à la toile ou sur tout autre support. Il faut d’ailleurs s’être rendu, ne serait-ce qu’une seule fois, à l’un des vernissages proposés par Mehdi pour constater l’attrait que ces événements éphémères suscitent et quelle foule s’y presse. Pour l’inauguration, Shepard Fairey (alias Obey Giant) a été convié et proposera la suite de son projet «Earth Crisis», une extension de son installation engagée et remarquée d’un globe géant sous la tour
Eiffel. Celui-ci avait été accroché après les attentats du 13 novembre jusqu’à la fin décembre 2015, au moment de la COP21. De nouvelles œuvres sur le thème de l’écologie des peintures sur toile et sur papier, une série de six nouveaux prints en letterpress, des reproductions du globe en sculptures et des livres viennent compléter l’ensemble. En outre, profitant de sa venue en France, l’artiste peindra trois nouvelles fresques dans la capitale. «L’art est un moyen d’éveiller les gens. L’art peut créer des conversations là où d’autres médias échouent», explique-t-il. Tout au long de l’année, de nombreuses galeries spécialisées en art urbain, tant à Paris qu’en régions, mais aussi à l’international, proposeront des événements qui méritent l’attention.
Drouot récidive
Maître Marielle Digard renouvelle l’expérience en invitant, en préambule de sa vente du 27 juin prochain, le crew TPK-UV à réaliser une performance in situ. Le groupe viendra peindre sur une grande bâche, à nouveau à Drouot, une œuvre qui sera ensuite offerte à un musée. Le MuCEM à Marseille figure parmi les grands favoris… Pour les non-initiés, sachez qu’un crew («bande» en anglais) est un collectif formé de plusieurs graffeurs qui souvent s’exprimaient au travers d’interventions jugées illicites, se voyant poursuivis par les autorités pour dégradation de biens matériels et écopant parfois de peines allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement, cumulées ou non à quelque 45 000/50 000 € d’amende… S’ils sont certes aujourd’hui reconnus, les membres du groupe TPK, auquel se sont rattachés les membres des UV (Babs, Trane, Bagare, Eyeone, Rap, Fuzi…), anciens bad boys au taux d’adrénaline élevé, n’ont pas toujours bénéficié d’une aura très glorieuse dans le passé, jouant la plupart du temps au jeu du chat et de la souris, bravant les interdits à leurs risques et périls…
Une santé insolente
Comme l’explique Valériane Mondot : «Le crew est une évidence du graffiti et un élément historique et intrinsèque même du mouvement, on le retrouve aussi dans la danse et la musique hip-hop, et si son fonctionnement est simple (regroupement de personnalités), son esprit en est plus singulier. Il est alors question de philosophies. En groupe, la diffusion devient plus efficace et plus massive encore […] Faire partie d’un crew, c’est aussi et avant tout s’engager, s’employer à défendre une identité et être le représentant d’une idée déterminée. Pour faire cela, il faut au préalable y être convié ou l’avoir mérité. Chaque crew a, de ce fait, son propre rite et chacun défend sa propre identité. Celle-ci peut être stylistique, politique ou plus simplement historique.» Notons que ces crews, quels qu’ils soient Les TPK (The Psychopathes Killers), UV (Ultra Violents), MAC (Morts-aux-cons), dont on connaît un certain Kongo, ou XN (Xcursions nocturnes), entre autres sont composés de membres qui parfois appartiennent tant à l’un qu’à l’autre desdits collectifs. Le marché de l’art urbain affiche une santé insolente, à faire pâlir certains, qui semble bien ne pas devoir être remise en cause. Des collectionneurs de la première heure sont prêts à se fâcher avec leur banquier pour acquérir des œuvres à des prix exponentiels. La vacation du 27 juin prochain, qui comptabilise quelque 130 lots, dévoilera pour tous des œuvres notamment réalisées par les Américains Futura 2000, Jenkins Shepard Fairey et Seen, ou encore par les Français Speedy Graphito et Christian Guémy, plus connu sous le pseudo C215. Mais nous n’allons pas tous les citer ici, à vous de vous montrer curieux ! À l’heure de cette invitation, les intempéries extérieures semblent s’être calmées, mais gageons qu’en salle 5 à Drouot, le dernier lundi du mois, les éléments se déchaîneront sans pour autant sortir les parapluies !