L’ébéniste Eugène Printz et le dinandier et laqueur Jean Dunand ont créé à quatre mains dans les années 1930 des meubles d’exception. Illustration avec ce meuble daté de 1934 redécouvert dans une collection particulière.
La collaboration entre Eugène Printz et Jean Dunand a débuté en 1928 pour s’achever en 1942, à la mort du second. Elle donna lieu à la création de meubles d’exception, réalisés sur commande, des pièces uniques fabriquées dans leurs ateliers. Ce travail a finalement permis à chacun de ces deux grands artisans de dépasser leur propre style. Vendu par le neveu de son commanditaire, ce buffet fut ordonné directement auprès de la galerie Printz de la rue Miromesnil, à Paris, en juin 1934. Un acompte a été payé le 14 novembre 1934, et le solde fut réglé le 24 juin 1935, nous révèle la facture du propriétaire qui acquit également à cette occasion des chaises et une table, pour un total de 11 000 francs. Monogrammée «EP», notre œuvre est plaquée en bois de palmier poli ; ses deux portes sont ornées de dinanderies, les plaques de laiton à décor géométrique argenté que l’on retrouve en partie sur les côtés ; sa base présente un socle paré de laiton oxydé à l’éponge et un piétement à balustres et volutes, en laiton également. Une structure et un décor similaires mais avec quelques variations signent plusieurs ouvrages de cette époque, comme sur un autre bahut adjugé 409 600 € le 7 juin 2019 à Drouot par la maison Ader (voir l'article Eugène Printz et Jean Dunandde la Gazette 2019, n° 24, page 104) : plus petit que celui-ci, il ne présente pas ces montants en pans coupés et motifs ondés, qui mettent parfaitement en valeur la dinanderie de la façade.
Une harmonieuse complémentarité
C’est au Salon d’automne de 1928 qu’Eugène Printz présente un premier meuble réalisé dans les ateliers de Jean Dunand. Si à cette époque ce dernier était déjà fort renommé, notamment pour ses pièces de forme en dinanderie et ses laques art déco, l’ébéniste n’en était pour sa part qu’aux prémices d’une carrière qui prit son envol cette année-là, avec l’ouverture de son propre atelier, rue de Miromesnil. Ce succès est le fruit d’une évolution naturelle vers des créations plus contemporaines, inspirées notamment par sa collaboration avec Pierre Chareau à partir de 1919, à l’encontre de celles produites au sein de l’entreprise familiale d’ébénisterie, L’Atelier, qu’il dirigeait seul depuis 1905 dans le faubourg Saint-Antoine. Les années 1930 furent celles de la maturité de son travail, caractérisé par une ligne unique, une technique sans faille, un amour des essences de bois, mais aussi un petit grain de folie baroque. Ne déclarait-il pas en 1934 à un journaliste de Mobilier et Décoration : «J’ai toujours été ému par la mystérieuse beauté qui se dégage des conjugaisons de la courbe et de la droite» ? Une tendance parfaitement visible dans les piétements métalliques faits de volutes, qui s’opposent aux structures volontiers géométriques de ses bâtis. À cette harmonieuse complémentarité font écho les panneaux en dinanderie de Jean Dunand, toujours respectueux et mettant en valeur les lignes épurées et les qualités architectoniques des créations de Printz. Avoir le sens de l’originalité ou comment sortir du lot : l’ébéniste maîtrisait ces notions à la perfection. Il décide ainsi d’utiliser le palmier sur l’entière façade des meubles, ce bois précieux au beau grain, mais onéreux et complexe à travailler. En effet, les feuilles de placage, épaisses d’environ un millimètre, devaient être dégagées au rabot sur des billes ne dépassant pas une vingtaine de centimètres de diamètre… De la même manière, si la laque était assez commune, la dinanderie était rarement utilisée pour le mobilier. Printz fut l’un des seuls de sa profession à la goûter sans modération !