On est coutumier des jardinières en céramiques ou en bronze. Alors, forcément, les pierres dures, ça se remarque. Une rareté attribuée à un orfèvre d’exception !
Dresde, fin du XVIIIe siècle. Travail attribué à Johann Christian Neuber. Entourage de jardinière en bronze doré orné d’agates en alternance de couleurs, boutons d’agates et pierres semi-précieuses. 14,5 x 41 x 34 cm.
Adjugé 265 000 euros hors frais (320 465 euros frais compris)
Au début de l’année 2006, le château de Versailles ouvrait ses portes à l’exposition "Splendeurs de la cour de Saxe". On découvrait là des tableaux, des ivoires, des armes, mais aussi des pièces d’argenterie et d’orfèvrerie, des porcelaines et autres gemmes et cristaux précieux provenant de la collection d’Auguste II, dit Auguste Le Fort (1670-1733). Celui dont Voltaire vantait la cour "La plus brillante d’Europe après celle de Louis XIV", l’Électeur de Saxe qui avait réuni, dans la célèbre "voûte verte" de son château de Dresde, plusieurs centaines d’objets dont la richesse et la rareté allaient croissant au fil de la visite... On peut pourtant citer une oeuvre n’ayant rien à envier à son Obeliscus Augustalis, grandiose monument d’intérieur en or, argent, vermeil, émail, gemmes et pierres précieuses : la table de Teschen, ou «table de l’Europe». Ce bijou géant – un mètre de haut –, fleuron du château de Breteuil en vallée de Chevreuse, fut offert par l’impératrice d’Autriche Marie-Thérèse, mère de Marie-Antoinette, et par Frédéric-Auguste II de Saxe au baron Louis-Auguste de Breteuil (1730-1807), ministre de Louis XVI et médiateur heureux au traité de Teschen, qui mit fin en 1779 à un grave conflit entre la Prusse et l’Autriche. L’auteur de ce trésor de pierres semi-précieuses, pierres dures, bois pétrifiés et bronzes dorés n’est autre que le joaillier de la cour de Dresde, Johann Christian Neuber (1736-1808). Un petit livret donne la liste des 128 pierres semi-précieuses et gemmes, qui, avec les bois pétrifiés et les médaillons de porcelaine de Meissen, composent la mosaïque du plateau. Aux côtés de Benjamin Hoffmann, Heinrich Taddel et Chrétien Stiehl, Neuber est le plus célèbre des joailliers de la capitale de la Saxe. Rien d’étonnant donc à ce que son nom figure, dès 1785, sur l’almanach de la cour et de l’état, comme joaillier attaché à la «voûte verte». Le prince électeur de Saxe, Frédéric le Grand, ne s’y trompait pas, qui possédait, dit-on, autant de boîtes qu’il y a de jours dans l’année, nombre d’entre elles, bien sûr, au poinçon de notre orfèvre, dont c’était une des spécialités. Pommeaux de cannes, tabatières, châtelaines et autres montres figuraient également à son catalogue.
Plus rares sont les grandes pièces, comme cette jardinière. Christian Neuber, c’est sûr, était passé maître dans l’art d’associer or et pierres dures, laissant à d’autres artistes certaines parties du décor des boîtes, comme les couvercles ornés de médaillons en émail peint ou en camée, de miniatures, de porcelaines ou de pierres précieuses. Ce fils de tisserand à Neuweernsdorf, aux confins de la Saxe et de la Bohème, apprenti à dix-sept ans, reçu bourgeois de la ville de Dresde et orfèvre de la guilde à vingt-six, possède même une mine dans la vallée de Müglitz, dont il extrait des agates. C’est de la rivière Achates en Sicile, où elle était exploitée dans l’Antiquité, que notre pierre tire son nom. Du Moyen Âge au XVIIIe siècle, l’Allemagne, notamment la Saxe, fournit l’essentiel des agates. Directeur du Trésor des princes électeurs, Johann Christian Neuber connut toutefois des difficultés financières, qui amenèrent Frédéric-Auguste de Saxe à lui concéder l’organisation d’une loterie de joyaux. Une idée à méditer aujourd’hui encore ?