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Portrait d’une amitié

Publié le , par Chantal Humbert

Ce magnifique tableau – inédit sur le marché – évoque une solide amitié masculine.

Baron Antoine-Jean Gros (1771-1835), Portrait de Pierre-Jacques Orillard, comte de... Portrait d’une amitié
Baron Antoine-Jean Gros (1771-1835), Portrait de Pierre-Jacques Orillard, comte de Villemanzy, pair de France,
toile signée en bas à gauche "gros", 145 x 115 cm.

Château de Cheverny, dimanche 11 juin 2006., Vente aux Enchères Vendôme Cheverny Paris, SVV. M. Millet.
Adjugé : 590 000 euros

Bien que la 18e vente garden-party à la française soit placée sous le thème de l’enfance, proposant entre autres Les Enfants jardiniers de François Boucher, notre "Coup de coeur" va toutefois au comte de Villemanzy, pair de France et ici âgé de soixante seize ans ! Notre homme, comme le général La Fayette, le ministre Talleyrand, le miniaturiste Isabey et l’écrivain Chateaubriand, a connu six régimes différents... qui l’ont conduit au faîte des honneurs, nouant des liens solides dans divers milieux. Présenté au salon de 1827, ce portrait témoigne des liens qui unissaient Villemanzy et le peintre Antoine-Jean Gros. Une amitié de près de trente ans, remontant au Directoire ! Élève de David, Gros est fasciné par la fougue de Rubens, ainsi que par l’art des Vénitiens du XVIe siècle. Au plus fort de la Terreur, il part étudier en Italie, avant de se fixer à Gênes. De là, Joséphine emmène ce portraitiste déjà renommé à Milan, pour le présenter à Bonaparte. En 1797, il fait la connaissance, dans les salons du palais Serbelloni, de Pierre-Jacques Orillard de Villemanzy. Celui-ci, alors ordonnateur en chef de l’armée d’Italie, va soutenir le peintre dans sa démarche artistique auprès de Bonaparte, qui accepte finalement quelques séances de pose. Fougue, courage et volonté rayonnent dans le Bonaparte au pont d’Arcole, présenté aujourd’hui au musée du Château national de Versailles. Orchestrant la première image emblématique du mythe napoléonien, le baron Gros s’assure ainsi un immense succès. Devenus amis, nos deux protagonistes poursuivent leurs brillantes carrières, qui leur vaudront de nombreuses distinctions honorifiques. C’est huit ans plus tard, au salon de 1804, que le peintre expose Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa, maintenant au Louvre. Inscrivant le Premier Consul dans la lignée des rois thaumaturges, le tableau impressionne aussi par la beauté des morceaux réalistes, la richesse du clair-obscur et la chaleur du coloris. Gros collabore ensuite à des portraits de dignitaires de l’Empire, traités telles des effigies réalistes : rompant avec la tradition du genre mondain, la recherche se porte avant tout sur la vérité du caractère individuel. Sous la Restauration, le baron Gros mène une carrière officielle, dont l’apogée se situe autour de 1825, avec les travaux de la coupole du Panthéon. Pendant ce temps, Villemanzy assume diverses responsabilités. Élu sénateur d’Indre-et-Loire, devenu pair de France, il préside sous le règne de Charles X la nouvelle Caisse des dépôts et consignations. Gros le représente à cette époque, revêtu du costume de pair et arborant de prestigieuses décorations. Le peintre offrira d’ailleurs le tableau à Villemanzy en signe d’amitié et pour le remercier de l’aide qu’il lui apporta au début de sa carrière. Par son autorité, l’effigie de Villemanzy peut être rapprochée du Portrait du comte de Chaptal, pair de France, exposé aujourd’hui au Cleveland Museum of Art. Le portrait de Villemanzy, composé dans un style classicisant à l’égal de celui d’Ingres, montre avec quelle virtuosité Gros sait brillamment mettre en scène son modèle. Mouvement, vivacité du visage, énergie du trait et rutilance des couleurs révèlent aussi le tempérament romantique de l’artiste. La qualité muséale du tableau, toujours resté dans la famille du modèle, et l’histoire sentimentale du portrait font qu’il aiguisera sans nul doute les convoitises de plus d’un collectionneur...

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