Une véritable petite armée ! Pas moins de 52 ivoires de Dieppe se présenteront à vous lors de cette vente havraise. Datés des XVIIIe, XIXe et XXe siècles, ils afficheront une belle variété de sujets et d’estimations. Il faudra donc envisager 250/400 € pour une Petite Polletaise en sabots tenant son panier, issue d’un travail du XIXe et haute de 5,8 cm, tandis que 3 000/5 000 € seront nécessaires pour emporter un groupe représentant Trois enfants pêcheurs, datant du XVIIIe, à la fine réalisation, doté d’une belle patine et mesurant une dizaine de centimètres. Parmi les pièces les plus recherchées figureront plusieurs couples de Polletais du nom des habitants du quartier populaire et de marins du Pollet, à Dieppe tel le nôtre, en habits de fête, ou un Couple de Polletais âgés, du XIXe, avec l’homme fumant une pipe et tenant trois poissons (1 500/2 000 €). Ces sculptures illustrent une tradition locale du travail de l’ivoire remontant à la fin du XVIe siècle. Durant trois cents ans, Dieppe fut l’un des principaux centres de production d’objets dans ce matériau. Son port, alors le plus grand de France, ne cessera de s’enrichir grâce au commerce des épices et de l’ivoire. Son activité s’intensifie au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, et voit l’importation massive de défenses d’éléphants par les bateaux de la Compagnie normande association de marchands de Dieppe et de Rouen, créée en 1626, à laquelle Richelieu accorde le monopole du commerce maritime avec les récentes colonies du royaume au Sénégal, en Guinée et en Gambie. Les sculpteurs voient ainsi arriver un matériau nouveau et attrayant. Grâce aux belles dimensions de ces morceaux d’ivoire, ils pourront s’en donner à cœur joie. Outre les très nombreuses maquettes de bateaux, des râpes à tabac, peignes, cadrans solaires, boîtes, médaillons, étuis, tabatières et objets religieux, le corpus de ces œuvres comprend également des statuettes plus classiques, versions réduites de la grande statuaire de marbre, mais aussi véritables créations d’artistes spécialisés. Ainsi au XVIIIe siècle, douze maîtres ivoiriers, qui donneront naissance à des dynasties de sculpteurs sur ivoire, travaillaient à Dieppe avec l’aide de quelque 250 ouvriers.