Ami des impressionnistes et peintre de fleurs, Henri Fantin-Latour montre une autre facette de ses talents avec cette composition onirique, L’Éveil de l’Amour.
Henri Fantin-Latour a toujours été difficile à classer. Lui-même ne suivit jamais un seul courant. Bien souvent, c’est son intuition et sa passion pour la peinture qui lui montrèrent la voie, comme le démontrait l’exposition organisée en 2017 au musée du Luxembourg,
intitulée «À fleur de peau». Né à Grenoble, d’un père lui-même peintre, Fantin-Latour éprouva très tôt sa vocation artistique et commença à travailler son don avec beaucoup de rigueur. Suivit un enseignement académique à la petite école de dessin de Paris, dans l’atelier de Lecocq de Boisbaudran, puis à l’École des beaux-arts en 1854. Si ses débuts sont marqués par un grand respect pour les maîtres anciens, qu’il copie inlassablement, il est aussi marqué par les courants en vogue de son temps, le réalisme et le romantisme. Ainsi, ses désormais très célèbres natures mortes de fleurs, d’une grande sensibilité, aux couleurs nuancées et à la lumière douce, renvoient au naturalisme prôné par l’un de ses modèles, Gustave Courbet, tandis que certaines de ses compositions moins connues aujourd’hui décrivent des scènes féeriques, à l’image du Songe, conservé à Grenoble, qu’il peignit dès ses 18 ans. Une veine onirique qu’il continuera d’approfondir toute sa carrière mais qui ne trouvera son aboutissement que dans ses dernières années de création. Dans ces œuvres, le peintre peut s’inspirer de la musique comme de figures allégoriques qui semblent sorties des grands décors vénitiens des XVIIe ou XVIIIe siècles. C’est le cas pour cet Éveil de l’Amour, décrivant une femme nue interpellée par un putto, qui lui indique une percée lumineuse dans le paysage. Une peinture tout en estompe, légèreté et atmosphère vaporeuse, se jouant des effets de lumière, qui n’est pas sans évoquer les peintures symbolistes, très appréciées en cette fin de XIXe siècle. L’État n’acheta-t-il pas à l’artiste, en 1897, sa toile La Nuit, aujourd’hui conservée au musée d’Orsay ?