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Patrimoine : escamotage à tous les étages

Publié le , par Vincent Noce

La loterie «offre le hideux spectacle» d’un gouvernement «follement prodigue», à court d’expédients, «exerçant le plus vil des escamotages» au détriment des plus démunis. Emmanuel Macron ne manque pas de lettres. Mais il est douteux qu’il ait eu en tête la diatribe de Mirabeau quand il convoqua Stéphane Bern et Françoise...

Ministère de la Culture, Valois Patrimoine : escamotage à tous les étages
Ministère de la Culture, Valois
© MC Edouard Bierry

La loterie «offre le hideux spectacle» d’un gouvernement «follement prodigue», à court d’expédients, «exerçant le plus vil des escamotages» au détriment des plus démunis. Emmanuel Macron ne manque pas de lettres. Mais il est douteux qu’il ait eu en tête la diatribe de Mirabeau quand il convoqua Stéphane Bern et Françoise Nyssen à l’Élysée. Leurs chamailleries avaient entraîné le report de la signature de la convention du loto pour le patrimoine. La cérémonie est illustrée par une éloquente photographie de famille, captée par François Mori de l’AFP et reproduite notamment par Le Figaro. Macron prend l’air renfrogné du proviseur furieux. Françoise Nyssen esquisse l’air absent et le sourire triste de la petite fille qui vient de se faire passer un savon et se demande si ses parents l’aiment encore. Derrière elle, le nez relevé, Stéphane Bern arbore la mine hypocrite du petit frère secrètement réjoui, qui semble dire : «tu vois, moi, je suis sage». Les patrons de la Loterie nationale et de la Fondation du patrimoine, ce dernier en chemise débraillée, regardent la scène stupéfaits, avec une pointe d’inquiétude. Bref, ce n’était pas la fête du patrimoine. L’objectif est de trouver une vingtaine de millions d’euros, alors même, comme nous l’avons signalé dans ces colonnes, que l’État supprime chaque année le double en gel de crédits pour les monuments. Témoignant de l’état inquiétant de nos églises et châteaux, mille huit cents projets ont déjà été déposés, mais seule une centaine en profitera. Discrètement, le ministère commence à concocter quelques baisses de crédits correspondants. Stéphane Bern saura-t-il se montrer suffisamment lucide pour ne pas servir d’habillage à une défaillance accrue de l’État ?

Son cabinet se dépeuple, les services se disloquent. Rue de Valois, elle est surnommée « lou ravie ».

Il pourrait aussi conseiller à son ami Emmanuel Macron, qui se voit obligé de présider lui-même le comité de sélection des dossiers, de se trouver des relais capables de mettre en œuvre l’engagement pour la culture dont il parsème ses discours. Il aurait renoncé à remplacer certaines femmes du gouvernement, par crainte de la polémique. Françoise Nyssen, elle, a souhaité rester à son poste. On se demande bien pourquoi quand on la voit souffrir à ce point, ânonnant des textes écrits, trébuchant sur les mots, bafouillant ses réponses et rendue muette par des questions sur la place des ABF dans les dispositifs de protection. Rue de Valois, elle est surnommée «lou ravie». Son cabinet se dépeuple, les services se disloquent. Ses décisions sont difficiles à suivre. En roue libre, le ministère pratique l’escamotage. À Marseille, ville dépourvue de sites antiques, moins du dixième d’une carrière grecque de 2 600 ans est protégé, avant d’être en partie déplacé et privatisé par le promoteur. «Choqué», Stéphane Bern parle de «désastre». Se moquant des archéologues, qui soulignent tous l’importance de la découverte, Françoise Nyssen clame qu’«il n’y a pas de vestiges, il n’y a que des traces». Priée de céder la place à un centre commercial en sa ville d’Arles, la halle du Grand Palais de l’Exposition coloniale à Marseille en 1906, montée par les établissements Eiffel, doit être découpée et entreposée, en attendant le jour où elle pourrait ressusciter  on ne sait quand ni où et dans quel état. La ministre s’est vantée de l’avoir «sauvée». Peut-être l’Élysée, en l’écartant du dossier sur l’audiovisuel public, a-t-il eu peur qu’elle n’y pratique le même sauvetage.

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