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Patrimoine : Les pères (et mères) Limpimpin de la culture

Publié le , par Vincent Noce

Un Loto pour le patrimoine ? Avec Pierre Rosenberg, au moment de son départ du Louvre, inquiets de l’hémorragie du patrimoine artistique, nous avions lancé cette bataille, ainsi que celle de l’entrée de l’histoire de l’art à l’école. Une quinzaine d’années plus tard, nous partageons sans doute le sentiment d’avoir obtenu...

  Patrimoine : Les pères (et mères) Limpimpin de la culture
 

Un Loto pour le patrimoine ? Avec Pierre Rosenberg, au moment de son départ du Louvre, inquiets de l’hémorragie du patrimoine artistique, nous avions lancé cette bataille, ainsi que celle de l’entrée de l’histoire de l’art à l’école. Une quinzaine d’années plus tard, nous partageons sans doute le sentiment d’avoir obtenu un succès très mitigé, devant la résistance des autorités établies. Il y aurait donc lieu de se féliciter de voir Françoise Nyssen briser un tabou en proposant un tirage du Loto la veille des Journées européennes du patrimoine qui s’appelleront peut-être «Journées du matrimoine et du patrimoine», suivant la suggestion d’une élue écologiste parisienne. Ce pas reste cependant encore bien timide en regard des expériences développées par l’Allemagne, l’Italie ou la Belgique. Au Royaume-Uni, pionnier en la matière, plus de 850 M€ annuels sont mis à la disposition des musées et des monuments par la tranche caritative de la Loterie. Ce système n’est pas sans difficultés (irrégularités des ressources, désaffection des pouvoirs publics...), mais il témoigne d’une participation citoyenne qui reste si difficile à envisager en France. Ces chiffres ramènent à son niveau d’humilité l’annonce d’un gain espéré de 20 M€ pour la loterie «à la française». Seul le patrimoine monumental en serait bénéficiaire, à l’exclusion des musées ou des institutions comme la BnF, dont les crédits d’acquisition se sont pourtant effondrés. Par surcroît, la gestion de ce financement par la Fondation du patrimoine renforcera le flou artistique de la politique ministérielle, risquant d’entraîner un effet de dispersion pour «les lavoirs et les moulins» vantés par Françoise Nyssen, alors que l’État a déjà tant de mal à assumer les servitudes du classement.

Les 20 millions du loto pour le patrimoine ne constitueraient qu’un gain minime, dans la mesure où ce modeste cadeau pallierait un désengagement public.

Lors de sa conférence, la ministre a récité cette annonce, laquelle avait déjà été révélée un mois plus tôt par Stéphane Bern, le «monsieur Patrimoine» désigné par Emmanuel Macron. Il y a déjà eu des étincelles entre les deux personnalités, la ministre ayant rappelé à l’ordre le trublion quand il a suggéré de faire payer l’entrée des cathédrales ignorant que la gratuité est fixée par la loi de 1905. Il n’a pas fallu deux mois pour que Stéphane Bern trahisse sa lassitude devant une mission si ingrate : «ras-le-bol des critiques et des insultes de ceux qui ne font rien pour servir le pays». Les intéressés se sont quand même débrouillés pour glaner une vingtaine de millions dans la poche des joueurs. Ce serait toujours bon à prendre pour les deux mille monuments reconnus comme en péril. Il serait cependant à craindre un gain final minime, dans la mesure où ce modeste cadeau pallierait un désengagement public. De 2010 à 2015, plus de 2 Mrds € de crédits ont été votés pour l’entretien des monuments historiques. Mais, près de 15 % de ce total, soit 275 M€, n’ont pas été dépensés ou le ministère leur a trouvé d’autres destinations. Cette perte, en moyenne annuelle, dépasse les 45 M€. Ne serait-il pas plus raisonnable de sanctuariser les crédits du patrimoine, plutôt que de promettre 20 millions d’une main et d’en reprendre plus du double de l’autre ? La ministre n’a pas daigné répondre à la question. De même, elle et son cabinet restent muets quand il leur est demandé comment ils comptent, dans le marasme budgétaire, trouver les 400 M€ que coûterait la facétie du «passe culture jeune». Françoise Nyssen a bien des qualités mais l’une d’elles est qu’elle n’était pas faite pour être ministre.

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