Désormais séparé du livre et du dessin, le Salon de l’estampe s’installe au réfectoire des Cordeliers à Paris, un lieu à sa mesure.
Avec une nouvelle appellation en référence aux événements similaires à Londres et à New York – Paris Print Fair –, le salon parisien écrit une autre page de son histoire. Depuis plusieurs années, l’estampe avait cessé d’être présentée dans sa singularité. Elle s’inscrit désormais aux mêmes dates que le Salon du dessin dans une sorte de semaine parisienne des arts graphiques. Il suffit d’observer la qualité de certaines ventes aux enchères spécialisées ou simplement le nombre d’estampes qui, régulièrement, passent dans les ventes généralistes, pour reconnaître que ce marché existe en France et se porte plutôt bien. La tradition française de l’édition, la nostalgie des différents âges d’or, les discussions sur la reproductibilité, les définitions très techniques sur l’originalité d’une épreuve ne doivent pas éclipser l’extraordinaire potentiel artistique de ce support à toutes les époques : ancienne évidemment, mais aussi moderne et contemporaine. Le salon souhaite en être le témoin attentif.
À angles multiples
Dans le domaine de l’estampe ancienne, les incontournables Dürer, Rembrandt, Piranèse et Goya s’afficheront aux cimaises (les galeries Jurjens Fine Art, Martinez D, Palau Antiguitats, Helmut H. Rumbler). Ils s’accompagnent de l’opportunité de découvrir d’autres maîtres européens moins connus du grand public, tel le buriniste Robert Boissard célébrant la beauté charnelle de nymphes (Xavier Seydoux) ou le graveur allemand Hans Sebald Beham (1500-1550), auteur d’une terrible vanité et… vérité : La Mort abolit toute beauté humaine (Helmut H. Rumbler). Alors que les estampes anciennes se raréfient de décennie en décennie, le nombre d’épreuves n’est pas l’enjeu premier de la création actuelle, mais plutôt la possibilité pour les artistes d’être portés par des galeristes découvreurs. Document 15 en défend plusieurs, dont le dessinateur, peintre et graveur Charles-Élie Delprat et ses structures paysagères, tandis que la galerie Nathalie Béreau présente les architectures de Caroline Bouyer. Paris Print Fair, diverse sans être hétéroclite, est l’occasion d’approcher le travail d’artistes modernes et contemporains largement établis (Pierre Soulages et Fernand Léger chez Libretis, Sonia Delaunay au Coin des arts), tout en appréciant les talents graphiques moins connus d’artistes majeurs. Il en va ainsi de l’œuvre gravé d’Edgar Degas, réduit mais important pour l’histoire de l’estampe, avec le troublant portrait de Mademoiselle Nathalie Wolkonska (Martinez D). Diversité de la création et des talents encore, en découvrant les riches écoles bretonnes, dont les rudes paysages de Charles Cottet (Stéphane Brugal), et, au-delà de nos frontières, la scène irlandaise (Stoney Road Press) et les estampes japonaises (Galerie bei der Oper et galerie Christian Collin).
Des atouts pour évoluer
En dépit de l’explosion des ventes en ligne, le salon entend demeurer la référence française de la transmission et de l’expertise. L’héritage parisien est toujours vivant : «Nous pensons qu’en France, les collectionneurs sont plus ouverts qu’en Allemagne aux œuvres graphiques anciennes», nous confie Michael Weiss de la galerie Helmut H. Rumbler de Francfort, heureux de la possible synergie avec le Salon du dessin. Défendant sa ligne artistique – des maîtres anciens aux graveurs actuels, avec notamment Matthias Griebler peu connu en France –, le Londonien Emanuel von Baeyer insiste sur l’importance «vitale» que Paris garde un salon d’envergure en s’ouvrant à d’autres artistes étrangers : «Cette foire est un bon pas dans cette direction.»