Conçue initialement comme l’un des éléments de La Porte de l’enfer, Fugit Amor est une figure à part entière. Elle illustre les passions humaines à travers la représentation du nu… et l’un des nombreux exemples de l’obsession de Rodin pour Dante. Il met ici en image le «cercle des luxurieux», décrit par l’auteur italien dans La Divine Comédie. Comprenez l’errance sans fin des couples liés par un amour interdit. Chez le sculpteur toutefois, l’homme et la femme ne jouent pas le même rôle, la beauté et la sensualité de cette dernière entraînant son compagnon vers la chute. Les deux amants de Rimini sont représentés par deux corps en tension demeurant dans l’incapacité de s’embrasser. Ce groupe, présent en deux versions, l’une verticale, l’autre horizontale, dans le vantail droit de La Porte de l’enfer, fut exposé seul à partir de 1887, sous divers titres : Le Rêve, Le Sphinx ou La Sphinge. Quelques années plus tard, Camille Claudel réalisera L’Âge mur. Contrairement à l’œuvre de son amant, elle y met en scène un homme fuyant une jeune femme : un écho aux relations tourmentées des deux artistes… Si les œuvres en terre crue étaient souvent détruites après l’étape du moulage, les plâtres, eux, étaient la plupart du temps conservés. Avec la terre et la cire, ils demeurent la traduction la plus fidèle du geste créatif. Celui-ci a été offert par Rodin à son ami, le journaliste, critique d’art, poète et peintre amateur, Hippolyte Durand-Tahier (1863-1899), à qui il est dédicacé. Une épreuve conservée depuis dans la famille du récipiendaire. Un atout supplémentaire.