Plus qu’une maison-musée, le Palazzo Butera est désormais un véritable laboratoire ouvert sur la ville de Palerme et ses visiteurs. Ce palais du XVIIIe siècle, dont les terrasses s’ouvrent sur la mer, a été acquis par Francesca et Massimo Valsecchi en 2016. Le couple n’était jamais venu en Sicile, sauf pour des vacances de jeunesse. Il y a découvert une atmosphère vivante et une histoire riche des traces laissées par les différentes civilisations. C’est ici qu’ils ont décidé de transférer leur collection, commencée à Londres dès les années 1960, pour occuper ces espaces palatiaux. À la fois baroque et rococo, le décor du Palazzo Butera a été repensé comme une nouvelle et ambitieuse œuvre d’art. Les fresques de Gioacchino Martorana et Gaspare Fumagalli, les tableaux des fiefs des princes de Butera, les décors en cire et les stucs de la salle de bal comme les meubles des maîtres siciliens revivent aux côtés des tables de Pugin ou de Godwin, des tableaux d’Annibale Carracci et des œuvres commandées à Anne et Patrick Poirier ou David Tremlett pour le palais.
Atlas artistique
Au terme de la restauration, le rez-de-chaussée accueillera les expositions temporaires, principalement dédiées à l’art contemporain ; le premier étage sera réservé à un parcours guidé, tandis que la collection permanente sera installée au second étage. Le patrimoine culturel de la ville et du quartier s’enrichira ainsi d’un atlas artistique, couvrant plusieurs lieux et plusieurs siècles, au sein de cette somptueuse résidence de l’aristocratie sicilienne. Le fil rouge en est l’évocation, par le biais d’œuvres de qualité, des périodes de transformation de la culture européenne. Il relie des tableaux de la Renaissance ou maniéristes (Andrea Solario, Giovanni Cariani, Frans Floris, Cornelis Van Haarlem) ou du Seicento (Sassoferrato, Carlo Dolci) à la verrerie et la céramique du début du XXe (Daum, Gallé, Loetz, Zsolnay, Cappellin), en passant par les porcelaines du XVIIIe siècle (des manufactures de Meissen, Ginori, Capodimonte, Chelsea, Tournai) et les meubles et objets Arts & Crafts dessinés par Christopher Dresser, William Burgess, Charles Voysey ou William Benson. Mais le point de départ des collectionneurs demeure l’art contemporain. Massimo Valsecchi avait ouvert sa galerie à Milan en 1972. Il fut parmi les premiers à organiser en Italie des expositions d’Andy Warhol, Gerhard Richter, Gilbert & George et Claudio Costa. Ses relations avec certains créateurs furent si fécondes qu’elles se poursuivent encore aujourd’hui avec Anne et Patrick Poirier, David Tremlett, Tom Phillips, Elisabeth Scherffig ou Eugenio Ferretti.
École des métiers
L’importance donnée à l’échange comme moteur de l’innovation constituera à l’avenir le fondement du Palazzo Butera. À l’idée d’une institution classique privée attachée à leur nom, les propriétaires ont préféré l’idée d’un projet ouvert, ancré dans le patrimoine de Palerme et de la Sicile, d’une richesse qui reste encore à comprendre et étudier, et qui peut s’alimenter de tels apports de l’extérieur. Ces quatre dernières années, la collection des Valsecchi était en prêt au Fitzwilliam Museum de Cambridge et à l’Ashmolean Museum d’Oxford. La collaboration doit du reste se poursuivre avec les professeurs de ces universités. Pour le palais, qui avait encore l’allure d’une forteresse avant la restauration conduite au XVIIIe siècle par les Branciforti, princes de Butera, c’est un retournement de l’histoire : lieu désormais ouvert au public, on pourra s’y promener, visiter des expositions, écouter des conférences ou voir des films, dans les cours ou sur la terrasse. Le chantier de restauration a mobilisé par ailleurs des métiers d’art – du fer, du bois, du stuc ou de la pierre – qui peuvent aussi contribuer au développement de la Sicile. Le projet d’une école, qui valoriserait les compétences mises au jour dans cette expérience au fil des années, est sans doute l’une des missions les plus importantes assignées au Palazzo Butera.