Créée en 1993 et reprise il y a cinq ans par Andrew Edlin, la foire dédiée aux artistes atypiques fêtait cette année son quart de siècle. Bilan d’un événement qui fait la place belle à la liberté.
Avec un rendez-vous à New York et un autre à Paris, la foire OAF s’impose comme la plate-forme incontournable des artistes hors circuit. Une foire hors sérail. On y découvre ceux dont le parcours défie les normes, à l’instar de Nicole Appel, autiste de 27 ans dont les bluffants dessins aux crayons de couleur sont présentés par la Land Gallery de Brooklyn (3 500 $ pièce). Une autre révélation s’appelle Moshe Zephaniah Ezekiel Isaiah Mordecai Baronestrevenakowske, un pseudonyme qui en dit long sur le caractère iconoclaste du personnage, né James Brown. Ses dessins aux pastels et graphite, exposés par la galerie texane Webb, ont été découverts dans une poubelle !
Une institution
Paradoxalement, en braquant les projecteurs sur ces talents hors système, OAF s’impose comme une véritable institution. Mieux, selon Becca Hoffman, la directrice d’Outsider Art Fair, «la foire a détruit les différences entre art contemporain et art outsider ou brut». Elle évoque d’ailleurs l’intérêt croissant pour des artistes comme Henry Darger, dont un tableau fut vendu aux enchères en 2014 pour 750 000 $. Dans les stands de la manifestation, les prix vont de 150 $ pour une œuvre de Kunizo Matsumoto à 400 000 $. Mais, comment rester un outsider quand on s’intègre au marché ?
No limit !
Pour Becca Hoffman, il s’agit «de travailler pour soi, et non pour un marché». Idem pour Catinca Tabacaru, une galeriste du Lower East Side à New York qui présente les travaux de Greg Haberny, l’un des artistes les moins conventionnels de son riche catalogue : «Quand on ne fait pas une école d’art, on n’apprend pas les limites et règles qui vont avec tout apprentissage, on peut peindre librement, vraiment.» Ainsi les poteries de l’autodidacte étonnent-elles, avec leurs lignes brisées et leurs assemblages drolatiques. Cuites et cassées à maintes reprises, ces sculptures sont aussi naïves que pertinentes. Dès les premières heures du preview, une demi-dizaine était d’ailleurs vendue autour de 3 000 $, ainsi que plusieurs tableaux, à 11 000 $.
Garder son âme d’enfant
Malgré sa reconnaissance croissante, l’ambiance à l’Outsider Art Fair continue de dépayser et surprendre. Patchworks, œufs d’autruche sculptés, masques tribaux et dessins tantriques… c’est un peu le souk, il faut l’avouer, mais pour le meilleur. Le stand de Catinca Tabacaru se révèle ainsi une heureuse réplique de l’atelier de l’artiste, désordonné mais happant. En se réclamant de Dubuffet comme père spirituel, OAF incite à conserver son âme d’enfant et un esprit curieux. D’ailleurs, les tout-petits sont aussi à l’honneur, grâce au joli projet «Draw Me Your City», initié par la marque Kilometre Paris et la fondation Zellidja. Les enfants, et adultes joueurs, sont invités à dessiner leur quartier préféré de New York pour réaliser des accessoires et vêtements brodés, ensuite vendus afin d’envoyer des jeunes adultes (entre 17 et 21 ans) en voyage d’un mois vers la destination de leur choix. Ici, on continue de croire en nos rêves de gamins.