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Othoniel, Prince-Narcisse en son Petit Palais

Publié le , par Virginie Chuimer-Layen

Voyage initiatique au pays du merveilleux transcendé par les mythes, les sciences et l’architecture, l’exposition signe le sacre de verre et d’or du jeune académicien.

Jean-Michel Othoniel, Nœuds miroirs, 2021. © Jean-Michel Othoniel Adagp, Paris, 2021... Othoniel, Prince-Narcisse en son Petit Palais
Jean-Michel Othoniel, Nœuds miroirs, 2021.
© Jean-Michel Othoniel Adagp, Paris, 2021

Placée sous l’ultime commissariat du directeur des lieux, Christophe Leribault, cette exposition propose soixante-dix pièces à découvrir dans tout le bâtiment 1900 – une première –, dont beaucoup ont été réalisées à dessein et illustrent les dix dernières années de la production de l’artiste. Tel un autoportrait composé de ses obsessions plastiques – perles, briques, couronnes, grotte, colliers, nœuds et fleurs, en verre, inox, miroirs, feuilles d’or et mille tonalités incandescentes –, rythmé par divers « passages » de l’extérieur à l’intérieur du bâti, elle évoque le mythe antique de Narcisse, réinterprété ici en « Théorème ». « Je souhaitais toutefois évoquer le Narcisse joyeux de l’enfance, qui se découvre, et dont l’image reflète aussi le monde alentour », explique Jean-Michel Othoniel. Au pied des escaliers du Petit Palais de Charles Girault, celui-ci « cueille » le visiteur avec « Rivière bleue », cascade spectaculaire de briques en verre soufflé, marquant la transition du monde réel, désenchanté, à un second plus féerique, promesse de félicité. Sous le porche, six nœuds aux perles d’argent et miroirs reflétant les fresques de la voûte peinte par Paul Baudoüin, comme notre image et celle environnante, montent la garde devant le jardin exotique, aux arbres parés de colliers et bassins agrémentés de lotus d’or. Suspendue sous la rotonde Carpeaux, l’étincelante Couronne de la Nuit, œuvre désormais pérenne dans le musée, semble prévenir de ce qui se joue au sous-sol. Là, entourée de tableaux-briques scintillants, évoquant dans leurs formes ses premières amours pour l’art minimal, l’agora-grotte de métal, à expérimenter, précède un monumental lac de verre bleuté. Au-dessus duquel une constellation chatoyante de « nœuds sauvages » semble flotter dans l’air, versions sensibles de la théorie des reflets et des nœuds d’Aubin Arroyo, mathématicien mexicain et ami de l’artiste. Au-delà de sa flamboyance, l’exposition, accessible par ses cartels pédagogiques et gratuite, illustre l’aptitude d’Othoniel à créer des présentations aux références livresques, élaborées en regard du lieu. Ayant étudié l’art des jardins au temps des expositions universelles, le plasticien féru de botanique transforme ici ce havre de paix en jardin des Hespérides, où la feuille d’or des lotus et des sculptures-bijoux sylvestres répond à celle des guirlandes du péristyle. Au niveau inférieur, sa Grotte de Narcisse néoplatonicienne, évoquant les sciences et le cosmos, fait aussi se côtoyer l’Orient et l’Occident. Les briques ont été soufflées en Inde, celles des pièces murales, Precious Stonewalls, ont parfois des reflets de feu d’où semblent surgir l’esprit des Djinns, ces créatures issues des mythes arabiques, comme elles font allusion aux émeutes de 1969, à New York, contre la répression homosexuelle. S’inscrivant dans la continuité de l’histoire – le commissaire a sciemment positionné la fin du parcours près des salles médiévales –, Othoniel, artiste de la beauté parfois ambiguë et inquiète, est un esprit contemplatif, cosmopolite, nourri de voyages et de rencontres, qui use des métiers d’art pour créer des œuvres issues de l’émotion et de la raison, à plusieurs strates de lecture. « Plus forte que celles du Louvre ou des jardins de Versailles » selon lui, cette exposition-bilan, mariant humanités et sciences, est une invitation poétique à l’Ailleurs, au parfum de spleen baudelairien où « tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté ». 

« Théorème de Narcisse, Jean-Michel Othoniel »
Petit Palais - musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris,
avenue Winston-Churchill, Paris VIIIe, tél. : 01 53 40 00,
Jusqu’au 9 janvier 2022.
www.petitpalais.paris.fr
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