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Nessus et Déjanire, un bronze français d’inspiration italienne

Publié le , par Philippe Dufour
Vente le 18 avril 2023 - 13:00 (CEST) - Salle 11 - Hôtel Drouot - 75009

Le récit de ce rapt mythologique avait tout pour séduire les grands sculpteurs maniéristes, et en particulier deux d’entre eux, Giambologna et Susini.

France, vers 1700. D’après un modèle de Jean de Bologne, dit Giambologna (1529-1608),... Nessus et Déjanire, un bronze français d’inspiration italienne
France, vers 1700. D’après un modèle de Jean de Bologne, dit Giambologna (1529-1608), ou d’Antonio Susini (1550-1624), L’Enlèvement de Déjanire par le centaure Nessus, bronze à patine mordorée translucide, 42,5 36,5 cm, base en bois noirci à décor de mascarons à têtes de Méduse en bronze doré.
Estimation : 60 000/80 000 €. Adjugé : 78 000 €

Source d’inspiration pour bien des artistes de la Renaissance, les Métamorphoses d’Ovide reprennent, au livre IX, un épisode mythologique et tumultueux mettant en scène l’épouse d’Hercule. Alors qu’il doit traverser le fleuve Événus en crue, le héros gréco-romain confie sa chère Déjanire au centaure Nessus. Mais l’être fabuleux mi-homme mi-cheval, troublé par la beauté de la jeune femme, en profite pour l’enlever. C’est ce moment de violence, prétexte à une recherche formelle sur le contraste entre la nature bestiale du centaure et la fragilité de la jeune captive, qu’ont choisi de représenter de nombreux sculpteurs italiens du XVIe siècle. Parmi eux, deux praticiens d’exception à qui l’on peut attribuer l’original de ce groupe, L’Enlèvement de Déjanire par le centaure Nessus, un bronze réalisé en France vers 1700… Ils se nomment Jean de Bologne, dit Giambologna, et Antonio Susini. Sculpteur d’origine flamande né à Douai, le premier mènera la carrière triomphale que l’on sait à Florence, sous la protection des Médicis, laissant d’inoubliables chefs-d’œuvre, comme le Mercure ou la statue équestre de Cosme Ier. Le thème puissant de l’enlèvement de Déjanire ne pouvait que fasciner ce génie de la sculpture maniériste, et on le retrouve décliné par lui sous forme de petits bronzes, dont le plus ancien semble dater des alentours de 1576 (aujourd’hui exposé à la Galleria Colonna de Rome). Représentant l’infortunée assise sur le dos du ravisseur, cette première version diffère de la nôtre, qui relève plutôt d’un second groupe qualifié de «type B» dans le classement dressé par les spécialistes de l’artiste Charles Avery et Anthony Radcliffe. C’est ici qu’intervient l’autre sculpteur auquel on pourrait également attribuer l’œuvre : brillant collaborateur de Giambologna à Florence jusqu’en 1600, Antonio Susini fonde à cette date son propre atelier, tout en gardant des liens amicaux avec son ancien mentor. Aussi ce fameux «type B» est-il considéré, suivant les chercheurs, soit comme une fonte d’après un original du maître par Susini, soit comme sa révision radicale par ce dernier. Dans tous les cas, c’est bien cette version qui a conquis les esthètes européens du XVIIe siècle à l’affût des modèles italiens célèbres, comme le rappelle la présence d’un de ses exemplaires dans la collection de Louis XIV (musée du Louvre). Un fort engouement que confirme définitivement notre sculpture, une somptueuse fonte française à la patine mordorée translucide.

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