C’est un nom familier. Celui des Jeunes Filles au piano sous le pinceau de Renoir, immortalisées par Maurice Denis ou photographiées par Edgar Degas, les amis de leur père, peintre méconnu du grand public et maillon essentiel du milieu artistique de la fin du siècle. Dans l’entourage d’Henry Lerolle gravitent en effet des poètes et hommes de lettres – Stéphane Mallarmé, André Gide, Paul Valéry – et des musiciens –Debussy, Ravel, Satie, Stravinsky… L’un d’entre eux, Ernest Chausson, deviendra même son beau-frère, tandis que ses filles, Yvonne et Christine, épouseront les fils de son ami Henri Rouart. Mais si l’on croise inévitablement son nom en se penchant sur cette période, la chose est beaucoup plus rare dans les musées français. Aussi le tout premier catalogue raisonné de son œuvre peint est-il chaleureusement accueilli par les amateurs et les spécialistes. Établi par la Société des Amis d’Henry Lerolle – et plus particulièrement par sa secrétaire générale Aggy Lerolle –, il montre à quel point le travail et les recherches de ces associations et sociétés savantes s’avèrent particulièrement précieux pour l’historiographie. D’autant plus que cet ouvrage recense également les œuvres de la collection de l’artiste, signées Maurice Denis, Eugène Carrière, Millet, Redon, Fantin-Latour, Degas, Puvis de Chavannes, Rodin, Gauguin, Vuillard, Sargent… Autant d’amitiés fécondes qui marqueront de leur influence la peinture de Lerolle. Divisé en une vingtaine de chapitres courts et très documentés – avec des archives inédites –, l’ouvrage retrace la vie et le parcours artistique du peintre, depuis ses débuts auprès de Louis Lamothe, ancien élève d’Ingres, jusqu’aux scènes d’intérieur intimistes et paysages aux accents symbolistes. Richement illustré, il restitue très fidèlement l’atmosphère d’une époque marquée par l’impressionnisme, auquel Lerolle n’adhèrera jamais totalement. À mi-chemin entre Morisot et Fantin, entre Puvis et Renoir, il navigue entre différents courants et influences, empruntant à chacun selon ses envies ou ses besoins du moment, comme pour les commandes officielles pour l’hôtel de ville de Paris, auxquelles un chapitre est consacré. Ne manque plus qu’une exposition.