Toute de sobriété et d’élégance, cette coiffeuse attribuée à l’une des figures majeures de l’ébénisterie Louis XVI offre une provenance de choix. Explications
Attribuée à Riesener. Coiffeuse en placage de bois de violette à réserves de bois de rose soulignées
d’un filet d’ébène et de houx, époque Louis XVI, 74 x 92 x 53 cm.
Lundi 12 octobre 2009, salle 4 - Drouot-Richelieu. Oger & Camper SVV. M. Révillon d’Apreval.
Adjugé 30 000 euros frais compris.
Obscurs, ces chiffres et ces lettres –"FON 603" – figurant sur notre meuble ? Pas vraiment, grâce au journal du garde-meuble royal de 1787, où le descriptif correspondant fait état, sur près de dix lignes, d’une toilette de campagne figurant dans la chambre à coucher des appartements de la duchesse de Polignac, au château de Fontainebleau. Certes, les soins de beauté et de toilette tiennent au XVIIIe siècle une place de choix dans la vie quotidienne. On va même jusqu’à se réunir pour l’occasion, soit autour d’un simple bâti de bois recouvert d’étoffes et de dentelles, soit autour d’un meuble d’ébénisterie spécialement dédié à cette occupation. Bientôt, la coiffeuse succède à la table de toilette : un dessus en trois parties découvre un miroir encadré de casiers et tiroirs contenant flacons, perruques, peignes, poudriers, brosses, boîtes à mouches et à onguent. Autant d’accessoires qui permettent à ces dames d’être toujours tirées à quatre épingles... À commencer par Yolande Martine Gabrielle de Polastron, comtesse, puis duchesse de Polignac (1749-1793), amie et confidente de Marie-Antoinette – pour tout dire, une figure emblématique de la cour de France sous Louis XVI. Si tout le monde s’accorde sur son surnom, "comtesse Jules" (prénom de son mari), un doute subsiste quant à la date de sa naissance, qui se situerait le 8 ou le 10 septembre. Dans le premier cas, elle serait née, ironie du sort, le même jour et la même année que la princesse de Lamballe, à qui elle succéda à Versailles dans le coeur de la reine... Jeune, belle et amusante, notre comtesse Jules ne laissa personne indifférent. C’est néanmoins peu de dire que les avis sont partagés... Si certains, comme madame Campan, louent son naturel, sa douceur de caractère et son esprit, d’autres lui reprochent son insouciance et voient en elle une ingrate, le mauvais génie de la reine et la cause de ses malheurs. Épinglée, cette chère madame de Polignac ! Quoi qu’il en soit, la duchesse obtient vite du roi et de la reine – les deux femmes se sont rencontrées en 1775 – des faveurs pour les siens. En 1779, Louis XVI dote sa fille Aglaé de la somme colossale de 800 000 livres, en 1782 notre chère Yolande accède à la charge de gouvernante des enfants de France. Si l’on y ajoute les pensions, propriétés et autres privilèges qu’elle fait obtenir à sa famille, le coût pour l’État s’élève à un demi-million de livres. Une somme rondelette ! Les pamphlétaires se déchaînent. Quand la Révolution éclate, les dangers sont grands pour les Polignac et le roi et la reine insistent pour qu’ils prennent le chemin de l’exil. Le 16 juillet 1789, un départ est improvisé. Avec son époux, sa fille récemment accouchée et sa belle-soeur, la comtesse Diane, madame de Polignac quitte Versailles munie du strict nécessaire, incluant toutefois une bourse de cinq cents louis fournie par la reine... Les époux deviennent pour la circonstance monsieur et madame Erlinger, négociants à Bâle, ville où ils se rendent. De Suisse, ils gagnent Turin, puis Rome. Grâce à des billets que les deux amies parviennent à s’échanger aux différentes étapes, les liens ne sont pas rompus. Les Polignac séjournent ensuite à Venise, puis à Parme en 1790. L’année suivante, ils sont à Vienne, terme du voyage pour Yolande. Malade, puis profondément affligée par la mort de la reine – on lui fait d’ailleurs croire qu’elle est décédée dans sa prison et non sur l’échafaud –, elle quitte ce monde le 9 décembre 1793, un mois et demi après sa chère amie... "Rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer", aimait répéter la duchesse. Un sens de la formule qu’elle n’était pas la seule à pratiquer à l’époque, mais pour l’application duquel elle avait, semble-t-il, un certain talent !