Le nom de Martin Guillaume Biennais (1764-1843) est indissociable des ors du premier Empire. Le chemin de l’orfèvre a croisé celui de Napoléon alors qu’il n’était encore que Bonaparte. Installé à Paris en tant que tabletier, après avoir été reçu maître en 1788, il croit en la bonne étoile du jeune général, auquel il n’hésite pas à faire crédit. Devenu empereur, celui-ci se souviendra de cette marque de confiance en faisant de Biennais l’artisan des grands moments de son règne : les insignes impériaux du sacre, les nécessaires améliorant le quotidien des campagnes militaires, les armes d’apparat et les décorations associées au prestige du régime sont dus à son talent. Le faste s’étend au mobilier, pour lequel Biennais excelle également, grâce à la suppression des corporations en 1791. Comme l’Empereur, ses proches n’hésitent pas à dépenser pour leur propre étiquette, et font eux aussi appel à l’orfèvre. Ancien officier de Bonaparte ayant conquis les honneurs à la force de son épée, Joachim Murat est de ceux-là. Cette aiguière et son bassin ont été réalisés à son intention, peu après son accession au trône de Naples en 1808 – en témoignent ses armes, portant encore le collier de la Légion d’honneur plutôt que celui de l’ordre des Deux-Siciles. Loin du champ de bataille, le valeureux militaire peut ainsi goûter au luxe d’une toilette digne d’un souverain. Ces pièces, les seules connues en vermeil – les autres étant en argent –, étaient présentées sur un meuble qualifié de «lavabo en athénienne», empruntant sa forme aux cassolettes de l’Antiquité. Son bassin était soutenu par trois montants réunis par une tablette d’entretoise, sur laquelle était posée l'aiguière. Charles Percier est l’auteur des dessins ayant servi de modèles à Biennais pour créer ces œuvres raffinées. Trois athéniennes sont aujourd’hui référencées : celle de Napoléon, appartenant aux collections du Louvre, une autre à Fontainebleau et une dernière ayant perdu ses accessoires, figurant au Metropolitan Museum de New York. Leurs décors sont très similaires. Le cygne ornant ici l'anse se retrouve déployant ses ailes au sommet du meuble pour accueillir le bassin. Naturellement associé à l’élément liquide, il est aussi l’oiseau symbolisant Apollon, dont il a pour mission de tirer le char. Ornement de choix depuis le Consulat, le volatile survole tout l’Empire, avant de disparaître à la Restauration. La fin du régime impérial sera également le chant du cygne de Biennais, qui vendra son fonds en 1821.